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Jugement Impartial sur les opérations Militares de la Campagne en Canada en 1759

 

Auteur inconnu

 

[Publié par la Literary and Historical Society of Quebec dans Historical Documents, Series 1, Vol. 2, No. 6 (1840)]

 

 

 

PREMIÈRE QUESTION.

 

Pourquoi a-t-on laissé l'ennemi débarquer à l'Isle d'Orléans?

 

On a toujours été persuadé qu'il étoit impossible d'empêcher ce débarquement, et qu'il étoit plus important de conserver nos retranchemens de Beauport, qu'il y avoit à craindre que l'ennemi n'eût attaqué, si on se fût amusé à l'Isle d'Orléans. Cependant, M. le Marquis de Vaudreuil y envoya des détachemens de François, de Sauvages, et même du canon, et on inquiéta l'Ennemi. Si on avoit défendu l'Isle, l'ennemi auroit campé à la Pointe de Lévy, ou, sans camper, auroit attaqué Beauport ; d'ailleurs, cette Isle est sans fortifications, et a plus de quatorze lieues de tour.

 

SECONDE QUESTION.

 

Pourquoi a-t-on laissé l'ennemi débarquer à la Pointe de Lévy, et établir des Batteries ?

 

Un léger détachement que nous avions, fut surpris, ne fit aucune résistance ; mais, quelques habitants firent paroître beaucoup de courage. M. de Vaudreuil employa plus de six heures de temps à persuader les Sauvages d'aller donner un coup de main. Cependant, ce Général avoit pris des mesures avec M. le Marquis de Montcalm, pour aller attaquer le soir même le camp de l'ennemi au même endroit ; d'autant plus, qu'on voyait à la Pointe de Lévy un nombre considérable d'ennemis. Malheureusement, le même jour, 30 Juin, on fit des prisonniers dans l'après-midi, à la Pointe de Lévy, parmi lesquels on trouva un Irlandois Catholique, qui paroissoit sincère, et qui peut-être l'étoit en effet: il assura que les Anglois n'étoient que 400 hommes; que toute l'armée devoit attaquer la nuit même. On le crut d'autant plus facilement que le Général Anglois étoit un homme vif et brouillon, et voilà ce qui fit manquer le projet de la Pointe de Lévy. Nos troupes passèrent toute la nuit sous les armes ; l'ennemi fit débarquer beaucoup de monde à la Pointe de Lévy, d'où il lui étoit aussi facile d'attaquer notre camp que de l'Isle ; l'on jugea que c'étoit une feinte pour nous attirer, nous diviser et prendre nos re-tranchemens de Beauport, que nous avions toujours crus imprenables. L'ennemi profita du temps, fut bientôt retranché et établit des batteries à la Pointe de Lévy. Ils y étaient, suivant les prisonniers, 3,000. Québec vit bien que l'ennemi alloit le bombarder, et le 2 Juillet les Notables allèrent demander qu'on l'attaquât ; ils pensoient qu'il n'y avoit que 600 hommes, ce qui n'étoit pas juste. Et comment attaquer un ennemi retranché ? N'y avoit-il pas à craindre qu'il n'eut abandonné la Pointe de Lévy pour fondre avec ceux de l'Isle d'Orléans sur nos retranchements ? D'ailleurs, point de bateaux pour traverser. On avoit depuis plusieurs années mandé à la Cour qu'il n'étoit pas possible de s'opposer aux descentes du côté de la Pointe de Lévy, et empêcher que la Ville ne fût bombardée. Cependant, à force de sollicitations de la part de la Ville, M. Dumas fut commandé avec 1,000 hommes ; mais il fut découvert, et quelques uns des nôtres tirèrent sur les autres. Je suis assuré, cependant, que M. de Vaudreuil et quelques autres Officiers auroient souhaité qu'on eût fait une tentative avec un parti considérable à la Pointe de Lévy ; mais M. de Montcalm et les principaux de l'armée craignoient de dégarnir le retranchement de Beauport ; d'autant plus, que le 9 Juillet, des Frégates ennemies allèrent du côté du Sault Montmorency.

 

TROISIEME QUESTION.

Pourquoi a-t-on laissé l'ennemi occuper les hauieurs du Sault Montmorency ?

 

Ce fut le 9 Juillet que des Berges Angloises, soutenues de Frégates, allèrent débarquer au-delà du Sault. On étoit persuadé que dans ce chenail du nord aucun gros vaisseau n'y auroit jamais pu aller. Quelques Canadiens et Sauvages fusillèrent l'ennemi; on leur tua 140 hommes, nous en perdîmes 8; les autres regagnèrent le Sault pour rejoindre un corps de 7 à 800 hommes. On ignoroit le nombre des ennemis qui augmentait tous les jours. On pouvoit penser que c'étoit une feinte pour nous engager à aller sur les hauteurs, et que pendant ce temps-là l'ennemi tomberoit tout à coup sur nos retranchemens de Beauport. On vit assez tranquillement l'ennemi monter les hauteurs du Sault de Montmorency. Je suis assuré que M. de Vaudreuil, de concert avec M. l'Intendant, vouloit attaquer la nuit même ; mais on assembla un conseil de guerre, où il fut décidé qu'on ne pouvoit faire cette entreprise. C'est un fait dont je suis assuré. M. de Montcalm avoit sans doute des raisons; et en effet, la position de l'ennemi étoit avantageuse, et il s'établit clans la nuit, et même plaça une batterie ; il forma dans la suite un camp très considérable ; alors, nulle apparence d'aller attaquer ; on se contenta d'envoyer quelques petits partis qui, une fois, pensèrent engager une action générale.

 

QUATRIEME QUESTION.

 

Pourquoi d'abord, ne pas mieux garnir les hauteurs auprès de Québec ?

 

On les a crues inaccessibles ; on avoit disposé des postes qui n'étoient pas très éloignés les uns des autres. En cas d'entreprise de l'ennemi, on comptait sur une sortie de la Ville. M. de Bougainville avoit 2,000 hommes qui pouvoient défendre cette partie, et s'y poster, quoique ces troupes fussent dispersées dans six ou sept lieues. La nuit du 13 étoit celle où il sembloit qu'on veilloit davantage ; mais malheureusement, on avait averti que quelques-uns de nos bateaux dévoient passer. Les berges Angloises répondirent en effet comme si elles avoient eu des vivres pour Québec. Je sais sûrement que M. de Vaudreuil avoit dit de mettre dans ce quartier 400 hommes de plus, et de faire quelques redoutes ; ceux qui conduisoient les opérations militaires et l'artillerie pensoient le tout inutile. Il faut cependant avouer que l'Officier du poste, ou plutôt que les sentinelles, n'avoient pas veillé assez exactement.

 

CINQUIEME QUESTION.

 

Pourquoi à la Bataille du 13 Septembre n'a-t-on pas réuni tout le monde ?

 

Ce fut quelque temps après que l'ennemi fut monté, que M. de Montcalm fut averti. Il donna ses ordres aux regimens, et à un certain nombre ; il crut devoir laisser le Bataillon de Montréal pour garder les retranchemens de Beauport, et n'avertit ni ne fit avertir le Marquis de Vaudreuil, qui cependant partit bientôt après ; ce dont M. le Marquis de Montcalm fut averti. Nous n'étions que 3000 hommes ; il prit le parti d'attaquer trop vite, comme il en est lui-même convenu : mais il craignoit que l'ennemi n'eût le temps de se retrancher; il vouloit profiter de la première ardeur du soldat. On a sçu depuis que s'il avoit retardé d'une heure, l'ennemi auroit été renforcé de 3000 hommes, et auroit eu huit pièces de canon. M. de Vaudreuil ne put empêcher la fuite; dans le besoin, il se servoit même d'un prêtre pour rallier.

 

SIXIEME QUESTION.

 

Pourquoi avoir quitté avec précipitation les retranchemens de Beauport, pour se réfugier à Jacques-Cartier ?

 

Je me transportai au Camp le 13, même après la défaite, et j'appris, par M. l'Intendant, qu'il étoit question d'aller à l'ennemi, ou de retourner à Jacques-Cartier; que M. de Montcalm, quoique blessé mortellement, avoit proposé cette alternative. Je pris la liberté de parler du premier parti à prendre à M. le Marquis de Vaudreuil, qui me dit que tous les principaux de l'armée y étoient opposés. On ignorait la mort du Général Anglois ; nos troupes étoient fatiguées; point d'Officiers supérieurs; je lui dis qu'après tout il étoit le maître, et qu'il pouvoit ordonner, mais qu'il seroit obligé de capituler pour toute l'armée si l'on étoit battu ; je portai même la sincérité jusqu'à lui ajouter, que si cela arrivoit, il pouvoit paraître inexcusable, et qu'en effet il y avoit à risquer. Je partis sur ces entrefaites, et l'on assembla un Conseil de guerre où il fut décidé qu'on devoit se replier jusqu'à Jacques-Cartier, à onze lieues environ de la Ville ; poste qu'il étoit d'autant plus important de consacrer que si l'ennemi s'en fût emparé, il nous auroit coupé les vivres, tant pour l'armée que pour la Ville, qui n'en avoit pas pour trois jours. L'ennemi étant maître de la rivière, auroit fait sortir ses berges sur tous les bateaux qui descendroient chargés de vivres, et il n'y auroit pas eu de possibilité de les faire venir de Jacques-Cartier par terre, les chemins étant extrêmement mauvais; on avoit peu de voitures, et jamais on n'auroit pu fournir l'armée et la Ville ; l'ennemi nous auroit ainsi coupé tout ce qui est au-dessus de Québec, et forcés à une capitulation générale pour toute la Colonie : il ne falloit donc pas différer un moment à s'emparer de ce poste.

 

SEPTIEME QUESTION.

 

Pourquoi la Ville s'est-elle rendue, l'ennemi n'ayant fait aucune brèche ?

 

N'étant point instruit des vivres, de la disposition de la garnison et des ordres que pouvoit avoir le Commandant, je ne parlerai sur cette question que d'une manière très incertaine. Il y a longtemps que des personnes sensées ont jugé qu'il étoit très difficile que deux Généraux fussent toujours du même avis; que cependant la Cour ne pouvoit s'empêcher de défendre de rien entreprendre que de l'accord; mais quand il faut tenir des Conseils de guerre pour se décider sur le choix d'un parti à prendre, il doit se montrer bien des circonstances sur et d'après la diversité des opinions et la manière différente d'envisager les objets, et les circonstances critiques où l'on se trouve ; d'où il résulte, que s'il peut y avoir du danger à réunir l'autorité entre les mains d'un seul, il y en a encore plus à la partager et à la diviser dans plusieurs.

 

FIN.

 

Copie de la Lettre écrite par le Major Général du Fort Edward à M. Monro. Commandant du Fort Guillaume Henri, sur le Lac St. Sacrement, trouvée dans le fondement d'un Sauvage Agnier.

 

J'ai ordre du Général Wells de vous dire, que c'est la faute des Miliciens si je ne suis pas déjà à votre aide; mais, comme il y en a déjà une grande partie d'arrivés, et que j'en attends demain plus de mille, vous devez être bien sûr que je serai bien vite à votre secours. Vous verrez, lorsque nous serons engagés avec l'ennemi, comment vous pourrez faire pour le mettre entre deux feux; j'en augure bien, nous vous avons envoyé plusieurs exprès; j'espère que personne ne sera tombé entre les mains des ennemis.

 

M. Janson (Johnson?) doit être avec nous avec 150 Sauvages qui ne tardent que le moment d'arriver. Nous espérons que vous serez capable de vous soutenir jusqu'à notre arrivée, et j'espère que je vous délivreray bientôt, quoyque je sois informé par un prisonnier que l'ennemi a 11,000 hommes. Aussitôt que vous aurez reçu la présente, le Général vous ordonne de lui envoyer plusieurs exprès pour m'informer de la situation où vous êtes, et de combien d'ennemis, et du temps que vous pensez pouvoir tenir contre l'ennemi.

 

Je suis, &c.

 

 

Nota. Le susdit Sauvage Agnier, du parti des Anglois, ayant été arrêté par nos Sauvages, ils

l'ont fait mourir, fait couper par morceaux, et ont trouvé la lettre ci-dessus dans son corps.

 

Plusieurs des Anglois pris par les Sauvages ont été hachés et mangés. Des Sauvages ont fait manger aux mères la chair de leurs enfants !

 

FIN.

 

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