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Documents sur Jacques Cartier

 

Par C. Desmazières de Séchelles, et al.

 

[Publié par la Literary and Historical Society of Quebec dans Transactions, Original Series, Vol. 5 (1862)]

 

 

Genealogy of Jacques Cartier and his family

Les documents que publie, dans ce volume, la Société Historique et Littéraire de Québec, contiennent des renseignements fort intéressants sur l'origine, sur les voyages et sur la vie d'un des plus célèbres navigateurs du seizième siècle. Le nom de Jacques Cartier, qui en 1534 découvrait l'embouchure du Saint-Laurent, et qui en 1535 remontait le grand fleuve jusqu'à Stadacona et Hochelaga, est intimement lié avec l'histoire de la Nouvelle-France; car, quoique le capitaine malouin n'ait pu réussir à y former un établissement solide et permanent, il a néanmoins eu l'honneur de frayer la voie qui fut ensuite suivie par le fondateur de Québec et ses compagnons.

 

Pendant bien longtemps l'on ne connut guères de l'histoire de Jacques Cartier, que les circonstances rapportées par lui-même dans la relation de ses voyages. Mais, depuis une vingtaine d'années, grâce aux recherches faites à Saint-Malo, sa vie s'est déroulée peu à peu sous les yeux des antiquaires, et maintenant l'on possède des matériaux suffisants, pour une ample notice biographique du hardi découvreur des royaumes de Canada, de Saguenay et de Hochelaga.

 

La liste ci-jointe fera connaître les hommes distingués, auxquels le public canadien est redevable de ces richesses historiques.

 

LISTE DES DESSINS QUI DOIVENT ACCOMPAGNER CET OUVRAGE.

 

1.—Le Portrait de Jacques Cartier.

2.—La flotte de Jacques Cartier, découvrant le fleuve St. Laurent (1534.)

3.—Les vaisseaux de Jacques Cartier, arrivés à l'Isle d'Orléans. (1535.)

4.—Les noms des 75 compagnons et marins de Jacques Cartier.

5.—La maison seigneuriale de Jacques Cartier au village de Limoilou.

6.—Conférence entre Jacques Cartier et les sauvages de Stadacona. (Mai 1536.)

 

 

 

HISTORIQUE DE CES DESSINS.-Portrait de Jacques Cartier.

 

L'original du Portrait de Jacques Cartier se trouve à l'Hôtel-de-ville de St. Malo.—La toile mesure environ sept pieds sur cinq. On ignore quel en est le peintre—En 1847, la Société littéraire et historique de Québec chargea M. le maire de St. Malo de faire exécuter pour la société une copie de ce tableau. Ce travail fut confié à Mr. Amiel, artiste distingué, demeurant à Paris. Dès l'arrivée de ce tableau en Canada, la vue de ce portrait réveilla de nouveau le souvenir des voyages et des gloires de l'illustre marin, et aussitôt les places publiques et les institutions se décorèrent, à l'envi les unes dos autres, du nom de Cartier. On eut l'heureuse idée, en Canada, de faire faire plusieurs copies du tableau, car celui qui nous avait été envoyé de St. Malo avait péri dans l'incendie du Palais Législatif au mois de février 1854 ; ce fut Mr. Théophile Hamel, artiste canadien, qui fut chargé de faire ces copies, reproduites depuis en grand nombre au moyen de la lithographie.

 

 

La flotte de Jacques Cartier, découvrant le fleuve, St. Laurent.

 

Ce tableau se trouve à la salle des marines dans la galerie de Versailles. Il paraît avoir été commandé par le roi Louis Philippe en 1848. Il est dû au pinceau de Gudin, célèbre peintre de marine; il paraît avoir rapport au premier voyage de Cartier, puisque l'inscription, au bas de la gravure qui en a été faite ensuite, porte que Jacques Cartier venait de faire la découverte du fleuve avec trois vaisseaux; ce qui est une erreur, car il n'avait que deux vaisseaux. Après un examen attentif, on no connaît jusqu'à présent aucune localité, dans le fleuve ou dans le golfe, qui présente l'aspect qu'offre ce tableau. Car les montagnes, et les rochers qui y sont représentés ont tous une apparence volcanique ; ce qui no convient nullement à aucune des portions de notre fleuve. A défaut d'autres renseignements, on est porté à conclure que cette peinture est plutôt idéale que réelle.

 

Mais comme tout ce qui touche à ces premières navigations est devenu précieux pour notre pays, nous n'avons pas hésité à lui donner place dans cet ouvrage.

 

 

Les vaisseaux de Jacques Cartier, arrivés à l’Ile d'Orléans, lors de son second voyage en 1535.

 

Ce tableau est d'autant plus intéressant, qu'il indique avec assez de certitude l'endroit précis où Jacques Cartier aborda avec sa flotte de trois vaisseaux, lors qu'il mit à l'ancre au bas de l'île d'Orléans. —Voici ce qu'on lit, à la page 32 du volume des voyages de découvertes de Cartier, imprimé à Québec en 1843.

 

Après avoir décrit l'Ile de Bacchus (l'îsle d'Orléans) il dit : " Nous 11 étant posés et à l'ancre entre la dite isle (l'Ile d'Orléans) et la terra 11 du nord, (aujourd'hui la côte de Beaupré) fûmes à terre et portâmes, les deux hommes que nous avions pris le précédent voyage, &c."

 

En effet, la gravure représente ces trois vaisseaux à l'ancre, et les voiles à demi ferlées.

 

Une chaloupe se dirige vers la terre du nord—Malgré la petitesse des figures qui se trouvent dans cette chaloupe, l'on reconnaît celle de Cartier, par son profil devenu si familier de nos jours en Canada.

 

 

Les 75 compagnons et marins de Jacques Cartier.

 

Ce document, aussi rare que précieux, à été trouvé dans les archives de la marine, à St. Malo. On ne doute aucunement qu'il ait été rédigé de la propre main de Cartier, puisqu'il porte sa signature. On a fait en Canada plusieurs tentatives pour déchiffrer, d'une manière satisfaisante, cette ancienne écriture du seizième siècle ; mais les variantes de chacun de nos archéologues n'ont pu rien produire de bien satisfaisant ; le hasard seul est venu à notre secours au moyen du document qui suit.

 

 

La maison seigneuriale de Jacques Cartier au village de Limoilou.

 

En 1853, Mr. le chevalier Cunat eut la bienveillance, à la demanda de la société, de faire faire un dessin représentant cette antique ruine, encore bien conservée, quoique son existence date de plus de trois siècles.—Plusieurs copies en ont été lithographiées et répandues en Canada.

 

Depuis lors le Révérend Père Martin, supérieur des Jésuites en Canada, dans un voyage qu'il fit en Europe, eut la curiosité de se rendre à St. Malo, pour voir cette ruine, qu'il trouva quelque peu différente du dessin original. Après un examen minutieux, il en fit un dessin plus exact, qui est celui-là même que l'on reproduit maintenant.

 

 

Québec, 10 Mai 1843.

 

MONSIEUR LE MAIRE,

 

La Société Littéraire et Historique de Québec en Canada, a l'honneur de vous adresser un exemplaire d'un recueil de documents qu'elle vient de publier, contenant les voyages entrepris pour la découverte du Canada, entre les années 1534 et 1542, par le célèbre Jacques Quartier, natif de la ville de St. Malo, ainsi que par d'autres marins distingués de cette époque.

 

Jacques Quartier, votre compatriote, est pour nous le Colomb du Canada ; car ce fat Quartier, qui, après avoir exploré en tous sens le magnifique golfe de St. Laurent, reconnut véritablement le Canada, et apporta la conquête de ce vaste pays à sa patrie, par le soin qu'il eut d'en prendre possession au nom de la France.

 

Les relations des voyages de ce hardi navigateur étaient devenues tellement rares, qu'à peine étaient elles connues, même dans le pays qu'il avait lui-même découvert. La Société Littéraire de Québec s'est donc empressée de publier tout ce qu'elle a pu recueillir sur ces navigations, dans la vue de perpétuer la mémoire et les souvenirs du célèbre malouin. La cité de St. Malo peut bien se féliciter à juste titre de lui avoir donné naissance, et nous pensons que le recueil qui vous est envoyé ne sera pas sans intérêt pour les habitans de sa ville natale.

 

Soyez persuadé, Monsieur, que rien ne pourrait nous causer plus de satisfaction, s'il vous était possible de nous procurer une biographie complète et détaillée de toute la vie de Jacques Quartier, ou, à défaut de sa biographie même, ce que votre ville de St. Malo aurait pu conserver en fait de traditions à son égard.—On ignore en Canada l'époque de sa naissance, ainsi que colle de son décès. Quelques mémoires disent qu'il mourut de chagrin, au retour de son 3e voyage du Canada en 1512 ; d'autres prétendent qu'il était encore vivant, plusieurs années après cette époque. Enfin, Monsieur le maire, tout ce que vous pourriez nous procurer, soit par vous même, soit par les recherches de MM. les antiquaires de votre ville, ou parmi les anciennes familles qui l'habitent, en fait de mémoires écrits, ou de livres imprimés, sera reçu avec la plus vive reconnaissance.

 

Je prends la liberté de vous adresser deux autres exemplaires de ce recueil, dont l'un pour la bibliothèque principale de votre ville, et l'autre pour M. le curé ou autre ecclésiastique principal du lieu.

 

Si toutefois vous faites l'honneur à la Société de lui adresser quelque envoi de manuscrits, livres ou documents quelconques, veuillez bien avoir l'obligeance de les adresser comme suit :—

 

" A M. le Supérieur du Séminaire des Missions Etrangères à Paris."

 

 

St, Malo, le 12 Mars, 1844.

 

(Département d'Ile et Vilaine.)

 

Le Maire de la ville de St.. Malo, Chevalier de l'ordre Royal de la Légion d'honneur, à Monsieur G. B. Faribault, Vice-Président de la Société Littéraire et Historique, à Québec.

 

MONSIEUR,

 

Je n'ai reçu que le 21 septembre dernier, la lettre dont vous m'avez honoré, sous la date du 11 mai 1843 ; ce retard, que vous ne pouviez prévoir, m'a empêché de profiter du retour à Québec de Mr. Hamel ; comme ce négociant devait quitter la France en Juillet, je n'ai pu vous écrire par lui.

 

Votre lettre, Monsieur, et la brochure qui l'accompagnait, ont fait renaître parmi nous les souvenirs d'une époque glorieuse pour notre ville, souvenirs qui, depuis, ont encore été ravivés par l'envoi, que vous avez bien voulu nous faire, de quelques parties des débris du vaisseau que notre célèbre compatriote fut contraint d'abandonner, au commencement du printemps de 1536, dans le hable de Sainte-Croix sur la rivière St. Charles, où il avait mis ses trois navires à sauveté. Je viens donc, au nom de mes concitoyens, et au mien en particulier, vous témoigner toute notre gratitude pour ces précieux objets; que nous léguerons religieusement aux générations malouines qui nous succéderont.

 

Avant le funeste traité de 1763, qui fit effacer le nom de Nouvelle-France des cartes de l'Amérique, nos ancêtres portaient avec orgueil leurs regards vers cette belle et vaste contrée, que leurs aïeux avaient découverte, et de laquelle ils dotèrent leur Patrie. Héritiers de leur gloire, s'il ne nous est plus donné d'envisager de la même manière qu'eus, cette riche colonie que la France a perdue, après une possession de 229 ans, du moins les sympathies qu'ils éprouvaient pour ses habitans, dont les noms, en grande partie, nous rappellent une commune origine, se sont transmises sans s'altérer parmi leur descendans : de là, monsieur, les vœux que nous ne cessons de former pour le bonheur des Canadiens, quelles que soient les destinées que l'avenir réserve à leur intéressante patrie.

 

Voulant répondre aux désirs que vous m'exprimez, de vous faire connaître ce que notre ville de Saint-Malo pourrait posséder en manuscrits ou traditions concernant le célèbre Jacques Cartier, j'ai engagé monsieur Charles Cunat, ancien officier de la marine et chevalier de la légion d'honneur, mon adjoint et mon ami, à faire de nouvelles recherches dans nos archives, réduites à la vérité de beaucoup, par suite des excès de 1793. Avant cette époque, l'évêque et le chapitre étaient les seuls seigneurs, conjoints et par indivis, de la ville de Saint-Malo, et ils en possédaient les titres : ayant été obligés de fuir à l'approche de cette terrible période, presque tous leurs registres et titres en papier furent brûlés ; ceux en parchemin servirent à la fabrication de gargousses.

 

Lorsque Votre livre de la découverte du Canada nous est parvenu, nous ne possédions de notre illustre compatriote, qu'une notice incomplète et son portrait, qui décore dans notre hôtel-de-ville, la galerie consacrée aux grands hommes que notre localité a fournis à l'histoire : aujourd'hui, grâces à vous, monsieur, et aux travaux nécrologiques de mon collègue, les particularités qui se rattachent à la naissance et à la vie du célèbre navigateur se sont étendues ; vous pourrez en juger par les deux gazettes de notre ville qui accompagnent ma lettre. J'y ai fait publier le procès-verbal de la réception des débris de la Petite Hermine, et tout ce que nos registres de l'état civil des 15e et 16e siècles nous ont procuré sur la famille Cartier.

 

Quoique Saint-Malo s'honore d'avoir produit des savans et des littérateurs distingués, aucun d'eux no s'est occupé d'écrire l'histoire, si palpitante d'intérêt, de cette ville remarquable par la rôle brillant qu'elle a été appelée à remplir à diverses époques. Toutefois, je manquerais à la reconnaissance, si j'oubliais de citer Mr. l'abbé Manet. Nous sommes redevables à ce savant antiquaire d'un volume sur les malouins célèbres, où se trouvent une notice historique de notre cité et un court article biographique sur le fameux navigateur, Jacques Cartier.

 

La ville possède maintenant, par le zèle empressé de Mr. Charles Cunat, l'expédition d'un acte qui vient d'être retrouvé parmi nos archives. Cet acte est sous la date du 26 novembre 1587, et au rapport de maître Estienne Grans et son collègue S. Lesier, notaires royaux à Saint-Malo. Jacques Odieure et Jacques Noël l'ont signé, et le sceau royal y est appose. Cet acte, qui a pour but l'apurement des comptes et dépenses de la troisième expédition de Jacques Cartier au Canada, renferme: 1°la copie des lettres patentes accordées par François 1er. le 17 octobre 1540, au célèbre navigateur ; 2o. la nomination de maître Robert le Goupil, conseiller et lieutenant en l'amirauté de France à la Table de marbre, au Palais de Rouen, pour voir et entendre les comptes, faits par Jacques Cartier, de la recette et de la dépense pour son voyage ès pays de Canada ; cette pièce est du 3 avril 1543; 3o. et enfin le compte arrêté, par le dit Robert Goupil et quatre commissaires adjoints sous la date du 21 juin, 1544, qui fixe à 39,981 livres 4s. 6d. les frais de la troisième expédition de Jacques Cartier au Canada, avec cinq navires.

 

Les lettres patentes de François 1er, sont contresignées de Henry, fils aine du Roi, Dauphin de Viennois, Luc de Bretagne et comte de Valentinois, et contiennent ce qui suit :—"A nos amés et féaux les gens de nos conseil et chancellerie, Généraux, Lieu-tenants et à tous nos autres Justiciers et Officiers de nos pays et Duché, Salut: Nous vous mandons que suivant le contenu des Lettres Patentes du Roi, notre très-honoré Seigneur et Père, données en ce lieu de St. Pris, le 17ème jour dé ce présent mois, auxquelles ces présentes sont attachées sous le contre scel de notre chancellerie; Vous ayez incontinent à les délivrer, rendre et bailler entre les mains de notre cher et bien amé Jacques Cartier, Capitaine Général et Pilote de tous les navires et autres Vaisseaux de mer que le Roi, notre Seigneur et Père, envoie es pays de Canada, de Ochclaga et jusqu'en la terre de Saguenay, pour les causes déclarées aux dites lettres. Donné à St. Pris le 20e jour d'octobre l'an 1540: ainsi signé par monseigneur le Dauphin et Scellé de cire rouge."

 

Les cinq navires destinés à faire partie de la troisième expédition furent équipés à Saint-Malo, où ceux des deux précédents voyages l'avaient été. Suivant l'accord passé entre François 1er et Jacques Cartier, ces navires jaugeaient ensemble 400 tonneaux. Du nombre, se trouvaient l'Hermine et l'Emérillon quo le Roi permit de reprendre : ceci prouve bien évidemment que ce fut la Petite Hermine, ainsi qu'on le conjecturait, qui avait été abandonnée au lieu de Ste. Croix sur la rivière St. Charles. Par la date des lettres patentes, notre navigateur ne put quitter la France qu'en l'année 1541, et non en 1540, ainsi que le portent la traduction de Hakluyt et la notice de M. Manet. Ce qui le prouve d'une manière péremptoire, c'est que le 11 avril de cette année-là, il tenait sur les fonts baptismaux en l'église cathédrale de Saint-Malo, une fille à Charles Lehuchestel, à laquelle il donnait le nom de Jacquette. Au reste cette date de 1541, s'accorde avec ce que Hakluyt lui-même dit du voyage au Sieur de Roberval, qui fît voile de la Rochelle, le 16 avril 1542, et qui n'atteignit le havre de Saint-Jean que le 8 juin. "Durant notre long séjour en ces endroits, Jacques Cartier et sa compagnie venant du Canada, où il avait été envoyé l’année d'auparavant avec cinq navires, arriva au même havre."La réclamation faite au Roi par Jacques Cartier, pour l'excédant de ses dépenses sur les 31,300 livres, qu'il avait touchées, et la nomination de M. Robert Goupil, par le Roi, afin de lui faire rendre justice, attesteraient seules que Jacques Cartier ne retourna point en Canada avec le Sieur de Roberval, ainsi que quelques écrivains l'ont avancé ; mais, outre ces actes, nous trouvons encore sur nos registres des naissances que Jacques Cartier assistait, le 25 mars 1543, au baptême de Jacquette Patris, à laquelle il servait de Parrain, et lui donnait son nom. De ces 31,300 livres, trente mille avaient été comptées à, Jacques Cartier par les mains de maître Jean Duval, Trésorier de l'Epargne, et treize cents par celles du dit La Roque Sieur de Roberval.

 

Vous apprécierez sans doute, monsieur, la différence qui survint dans les titres dont Jacques Cartier fait précéder ses noms, à deux époques remarquables de sa vie, et je suis disposé à croire, avec M. Ch. Cunat, que notre grand navigateur avait été anobli. Suivant Marc Vulson, chevalier, Sieur de la Colombière, en sa science héroïque, qui divise la source de la noblesse en douze moyens ou principes, la noblesse s'acquérait par la navigation et découverte de terres étrangères ; dès lors, il est présumable que François 1er récompensa par des lettres d'anoblissement, celui qui lui avait donné une autre France. Louis XIII, par son édit du 6 mai 1628, quatre-vingts ans après, crut devoir anoblir douze des associés de la compagnie qui s'était formée pour le commerce du Canada.

 

Au titre de noble homme, Jacques Cartier ajoutait celui de Sieur de Limoilou, ainsi quo le prouve un acte du 29 de septembre 1549. Ce nom de Limoilou est celui d'un village sur la côte, à une lieue E. N. E. de Saint Malo, où se trouve encore une maison antique, .bien conservée, à laquelle on arrive par deux portes près l'une de l'autre, et de formes très-anciennes ; elles sont à l'entrée du dit village et conservent dans tout le pays le nom de portes Cartier ; près de la plus grande, on aperçoit encore une pierre qui représentait autrefois des armoiries on relief; mais, de nos jours, elles sont entièrement effacées ; là encore la terrible époque de 1793 a laissé sa trace.

 

J'ai éprouvé un bien grand bonheur, monsieur, en entrant avec vous dans ces détails sur le grand homme qui appartient à, nos deux pays ; au vôtre, parcequ'il en fut le fondateur, et au nôtre, parce qu'il y reçut la vie. Sa mémoire, en survivant toujours au milieu de nos populations, entretiendra entre elles, j'en suis convaincu, les sentiments d'une cordiale fraternité que, de notre côté, nous n'avons jamais cessé de porter aux Canadiens.

 

J'ai l'honneur d'être, avec la plus haute considération,

Monsieur le Vice-Président,

Votre très-humble et obéissant serviteur,

HOVIUS.

 

 

Saint-Malo, le 24 mars, 1846.

 

MONSIEUR LE MAIRE.

 

Pour me conformer à vos intentions de répondre au vœu de Monsieur Faribault, Vice-Président de la Société Littéraire et Historique de Québec, j'avais envoyé à Paris, afin d'en avoir une copie exacte, le précieux document que la ville possède, concernant le troisième voyage de Jacques Cartier au Canada. Aujourd'hui grâce à l'obligeant empressement de l'érudit Monsieur D'Avezac, chef du bureau des archives de la marine, nous possédons la transcription entière et correcte de cotte pièce si intéressante, qui rem¬place dans nos cartons, les extraits que j'en avais faits.

 

Aux renseignements que vous avez été assez heureux de pouvoir donner, il y a deux ans, sur notre illustre compatriote, M. Faribault vous demande, dans la lettre du 26 de janvier dernier, le compte fourni par Jacques Cartier des recettes et dépenses de la troisième expédition de découvertes, ainsi quo le jugement rendu à son sujet, par les délégués du Roi François 1er. Afin de répondre au désir de MM. les membres de la Société Littéraire et Historique de Québec, qui ont été si bienveillants pour la ville de Jacques Cartier, et dont M. Faribault est le mandataire, je vous' propose, M. le maire, de leur envoyer un double de la copie que nous devons à M. D'Avezac, dans laquelle se trouvent précisément les pièces réclamées par M. Faribault; ces pièces réunies à quelques observations nouvelles, puisées dans nos archives et que je vais vous soumettre, jetteront une grande clarté sur les points historiques qu'il importe tant à nos amis du Canada de pouvoir éclaircir ; ils pourront, avec leur secours, expliquer une contradiction apparente qui se trouve entre le récit du troisième voyage de Jacques Cartier et celui du voyage de Roberval.

 

La relation incomplète que donne Hakluyt sur le dernier voyage de Cartier au Canada, détermine le départ de ce navigateur du port de St. Malo, au 23 mai, 1540. Le même auteur, dans son récit de la traversée que fit Roberval de La Rochelle à Québec, fixe son appareillage au 16 avril, 1542, et sa relâche à St. Jean de Terre-neuve, au 8 juin suivant ; dans ce havre Roberval, fut rejoint par Jacques Cartier, en retour pour France, avec les trois navires qui avaient hiverné dans le fleuve St. Laurent.

 

Il résulterait par les deux dates données aux départs de St. Malo et de La Rochelle, que Jacques Cartier serait resté deux ans dans son expédition, tandis que dans la relation que donne Hakluyt du voyage de Roberval, il est dit :

 

" Durant notre long séjour au havre St. Jean, Jacques Cartier et sa compagnie, venant du Canada, où il avait été envoyé l'année d'auparavant avec cinq navires, arriva au même havre." Il y a donc évidemment une erreur d'une année, dans l'une ou l'autre des époques indiquées à chacune des expéditions; mais laquelle des deux était inexacte? voilà ce qu'il importait de connaître d'une manière positive.

 

Pour nous qui possédions, avec les renseignements que donnent nos archives, le mémoire de Jacques Cartier, il n'y avait plus aucune incertitude, sur les époques de départ et de retour de notre illustre concitoyen, ainsi que pour la durée du temps qu'il avait employé à ce dernier voyage. En effet, plusieurs actes qui se trouvent consignés sur nos registres de l'état civil, et que je vais rapporter, démontrent l'exactitude des dates inscrites au dit mémoire et aux pièces qui y sont annexées.

 

J'avais pensé d'abord que l'erreur commise par Hakluyt provenait du jour auquel Pâques était tombé ; vous savez qu'alors, en solennisant cette grande fête, on célébrait aussi le premier jour de l'an : il n'en était rien. En 1541, Pâques arriva le 17 avril, et Jacques Cartier ne partit qu'en mai. Roberval avait bien levé l'ancre le 16 avril 1542, mais cette année-là, Pâques s'était trouvé le 9 de ce même mois ; en sorte que, dans les deux cas, on devait dater de l'année dans laquelle on était réellement entré.

 

La lettre patente du Roi François 1er à Jacques Cartier, pour sa troisième expédition, est du 17 octobre 1540, et l'apostille du dauphin, Henri, Duc de Bretagne, du 20 octobre 1540. De là, il reste démontré que l'armement des cinq vaisseaux ne fut commencé qu'après sa réception, et que par conséquent l'expédition ne mit en mer que l'année suivante, 1541. En effet, au commencement de cette année-là, le 11 avril, Jacques Cartier tenait sur les fonts de baptême, dans l'église cathédrale de St. Malo, une fille de Charles Le Huchestel et de Denke Des Grandies, ses beaufrère et bellesoeur, et à laquelle il donna le nom de Jacquette : voilà bien l'année déterminée à 1541.

 

Jacques Cartier, après avoir réclamé 4,500 livres pour L'Hermine et L’Emerillon, ajoute: "Et en ce qui est du tiers navire, mettre “pour 17 mois qu'il a été au dit voyage du dit Cartier, et pour huit mois qu'il a été à retourner quérir le dit Robertval au dit Canada, au péril de nauleige, ce seront 2,500 livres, et pour les deux autres qui furent au dit voyage, six mois à cent livres le mois, sont douze cents livres." Hakluyt dit effectivement que Jacques Cartier ne garda que trois navires, les deux autres qui composaient l'expédition, après avoir débarqué leurs cargaisons, avaient été renvoyés presqu'immédiatement pour France, sous le commandement de Macé Jallobert, son beaufrère, et sous celui d'Etienne Nouel, son parent, tous deux excellents pilotes.

 

En continuant nos recherches, nous avons trouvé sur le registre des baptêmes: "Le samedi 21 octobre 1512, fut baptisée une fille à noble Ecuyer Reyné Moreau, seigneur de la Péraudière, lieutenant du capitaine delà ville et du château de St. Malo et Damoiselle Rose sa compagne épouse, et fut nommée Catherine par capitaine Jacques Cartier etc." Ainsi le 11 avril 1541, nous voyons que ce célèbre navigateur était à St. Malo, et qu'il s'y trouvait de nouveau le 21 octobre 1542 ; c'est donc entre ces deux dates, qui renferment un espace de 18 mois 10 jours, qu'il faut placer les 17 mois que le voyage a duré. Si nous partons du 23 mai, jour indiqué par Hakluyt, nous trouverons deux jours de moins pour parfaire dix-sept mois du calendrier au 21 octobre 1542 ; mais aussi, on comptera huit jours en plus de dix-sept mois, de 30 jours chacun. Enfin, si l'on adopte, ce qui est plus rationnel, que les 17 mois portés en ligne de compte par Jacques Cartier partaient du jour de son armement terminé, à celui de son désarmement, on reconnaîtra qu'ils peuvent parfaitement s'encadrer dans le temps qui s'est écoulé entre la rédaction des deux actes de l'état civil que nous avons rapportés, et conserver pour date du départ de St.' Malo, le 23 mai, jour fixé par Hakluyt.

 

Maintenant il ressort du mémoire de Jacques Cartier, qu'au printemps de l'année 1543, un navire fut envoyé au Canada, pour en ramener le sieur de Roberval. [1]

 

Il est positif aussi que le dit Roberval revint en France à la fin de cette année là, puisque le Roi ordonne, par sa lettre du 3 avril 1544, à maître Robert Le Goupil, nommé juge, de faire comparaître devant lui, dedans huitaine après assignation, Jacques Cartier et le sieur de Roberval.

 

Indépendamment de ces points historiques éclaircis, il restait encore celui de savoir si Jacques Cartier avait fait de nouvelles entreprises maritimes. Nous pourrions affirmer que ce grand navigateur n'a plus repris la mer, depuis son retour en octobre 1542, jusqu'au 15 octobre 1552, ce qui embrasse un espace de dix ans; durant cet espace, il ne s'est pas écoulé une année où l'on ne puisse, par des actes authentiques, justifier sa présence en nos murs.

 

De cette longue nomenclature d'actes, en voici doux que nous citons avec intention, parce qu'ils concernent Jacques Nouel et Jacques Odieure, successeurs l'un et l'autre de Jacques Cartier. Ils firent lever, à ce titre, par les notaires royaux, Etienne Gravé et Jules Lesien, établis à St Malo et à Châteauneuf, une expédition des titres originaux du troisième voyage du célèbre marin. Jacques Cartier était le parent du premier et l'allié du second, et le parrain de tous les deux. Je transcris ces actes suivant leur ordre de date.

 

"Le 27e. jour d'avril, 1547 après Pasques, fut baptisé un fils à Michel Audieure et Perinne Jallobert, qui fut nommé Jacques par noble capitaine Jacques Cartier, Bourgeois en la ville et cité de St. Malo et Seigneur de Limoilou &c."

 

"Le jeudi 5 Février 1551, fut baptisé un fils à Jacques Nouel et "Servanne Le Doyen, 'qui fut nommé Jacques par noble homme Jacques Cartier &c." Ainsi, le père et le fils avaient été, à 32 ans d'intervalle, tonus sur les fonts baptismaux par le capitaine général et pilote du Roi François 1er.

 

Jacques Nouel était petit-fils de Jehanne Cartier, tandis que Jacques Odieure avait pour aïeule maternelle, Allizon des Granches, femme du capitaine Macé Jallobert, et sœur de Catherine des Grandies, dame de Limoilou, épouse de noble homme Jacques Cartier. Le dernier acte de nos registres, qui atteste la présence et l'existence du noble capitaine Jacques Cartier, est du 15 octobre 1552; cette date ce grand homme avait 58 ans. Depuis, il n'est plus fait mention de lui ! cette absence de son nom, si souvent reproduit, quo les familles malouines tenaient à honneur de faire inscrire à côté de celui de leur nouveau-né, me porte à croire, à défaut des registres nécrologes qui nous manquent, que c'est vers l'âge de 60 ans, que notre célèbre compatriote a dû terminer sa glorieuse carrière.

 

Dans une précédente lettre, Monsieur le Maire, je vous avais rapporté un acte du chapitre de Saint-Malo, du 29 décembre 1549, par lequel Jacques Cartier, ajoutant le nom seigneurial de Limoilou, à son nom de famille, fonda dans la cathédrale un obit, moyennant la somme de 4 livres de rente, pour laquelle il hypothéqua sa maison et son jardin, situés jouxte l'Hôpital de St. Thomas. Plus tard cette maison et ce jardin firent place à un bâtiment, plus spacieux et d'assez bon gout, qui servit, à différentes époques, de demeure aux gouverneurs de St. Malo. C'est aujourd'hui une dépendance de l'Hôtel de France, dont le propriétaire et le directeur, M. Gogué, a bien voulu me communiquer deux anciens contrats, lesquels mentionnent, l'un et l'autre, l'hypothèque donnée par notre grand navigateur. Le second de ces titres, qui est du 2 mai 1777, relate que le sieur Rouzier, vendeur, avait eu cet immeuble des successions de ses aïeuls paternels, qui l'avaieut acquis eux-mêmes le 2 décembre 1714, d'Ecuyer Noël Danycan ; il stipule, en outre, que la vente est faite à la charge à l'acquéreur, de payer, par chacun "an, au jour St. Gilles, trois livres 13 sols au receveur des obits de l'église cathédrale de St. Malo, pour partie de l'obit fondé par le feu sieur Jacques Cartier."

 

Enfin, pour terminer cette longue lettre sur notre illustre concitoyen, je vous ferai part, M. le Maire, d'une remarque intéressante sous le point de vue historique; c'est quo de tous les navigateurs de St. Malo, je n'ai vu sur nos anciens registres, y compris l'année 1575, que Jacques Cartier seul avoir pris le titre de capitaine; ceux de ses parents ou alliés qui avaient commandé des navires de son temps ne l'employèrent jamais: ceci prouve que le rang de capitaine était eminent et que Cartier, par exception, conservait le sien qu'il tenait du Roi François Premier, en récompense de ses services.

 

Je suis avec la plus haute estime, Monsieur le Maire, votre humble et dévoué serviteur ; (Signé) Ch. Cunat.

 

Pour copie conforme,

Le Maire de Saint-Malo,

Chevalier- de l'Ordre Royal de la Légion d'Honneur.

 

HOVIUS.

 

 

NOTES- GÉNÉRALES sur la vie et les trois expéditions de Jacques Cartier d'après les archives de VHôtel de Ville de Saint-Malo, et lès, Ouvrages de MM. Manet Livot et Cunat.

(Premier EnvoL.)

A M. le Président de la Société Historique et Littéraire, da Québec, par M.G. Desmazière de Séchelles, ancien rédacteur du Commerce Breton, membre et correspondant de plusieurs sociétés littéraires.

 

 

SAINT MALO, Hôtel Dupuy Fromy,

Rue de Chartres, No. 11.

Ce 8 Xbre 1860.

 

Aussi loin que j'ai pu remonter dans les archives de la ville de St. Malo (dans lesquelles notre premier magistrat, m'a permis de puiser à mou gré avec sa Bienveillance habituelle), je n'ai trouvé dans les registres destinés aux naissances, aux mariages et aux décès qu'un Jehan Cartier époux de Guillemette Beaudoin et père de six enfants, dont F aine Jamet, James eu Jacques, naquit à St. Malo, le é décembre 1458. L'acte, d'un laconisme désespérant, né porte que ces mots; 4 décembre 1458 baptisatus extitit Cartier.[2] Ce fils épousa Jeffeline Jansart, et de ce mariage naquit, le 3 décembre 1494, lé célèbre Jacques Cartier.

 

En 1519, âgé seulement de 25 ans, il épousa Catherine Des Grandies, fille de Jacques Des Grandies connétable de la ville et cité, de St. Malo. Cartier dont les premières années, comme celles de tous les enfants de Saint Malo, s'étaient passées sur mer, Cartier qui avait même déjà fait plusieurs voyages à Terre-Neuve, songeait à doter son pays de nouvelles terres inconnues. S'étant présenté à Philippe de Chabot, grand amiral de France, il lui proposa d'aller explorer les terres de l'Amérique Septentrionale, désignées alors sous le nom de Terres Neuves, nom qui n'était pas encore donné exclusivement à la grande île située à l'embouchure du fleuve Saint-Laurent. François 1er, accueillant avec empressement les projets de Cartier, lui donna plein pouvoir de les exécuter Muni de ses instructions, l'habile navigateur partit de.Saint-Malo le 20 avril 1534, avec deux bâtiments de soixante tonneaux, accompagné des sieurs Olivier Du Breuil,[3] Jacques Maingard et plusieurs autres malouins ses parents et ses amis, en tout cent vingt-deux hommes d'équipage. Messire Charles de Mouy sieur, de la Meilleraye, viceamiral de France, qui était venu à Saint-Malo passer en revue les nefs et les équipages royaux, fit jurer aux nouveaux Argonautes de se bien et fidèlement comporter au service du roi, sous le commandement de Jacques Cartier.

 

Faisant route à l'ouest, il tirait un peu vers le' nord ; les vents furent si favorables que le 10 mai 1534, c'est-à-dire, presqu'un mois après son départ de Saint-Malo, Cartieraborda au cap Bona Vista en l’île de Terre Neuve, à: peu près à l'endroit où, dix ans auparavant, le florentin. Verazzani avait également relâché pour commencer à' reconnaître le pays et à en prendre possession pour le compte de la France. Comme la terre était encore couverte de neige et la mer encombrée de glaces, Cartier descendit encore six degrés[4]: au sud-est, et entra dans un port auquel il donna le nom de port Sainte-Catherine. Delà il retourna au nord, et gagna L’île aux Oiseaux[5], distante de Terre-Neuve d'une dizaine de lieues. Cartier ensuite contourna Terre-Neuve par le nord ; entra dans le détroit de Belle-Isle, qu'il appela . Golfe des Châteaux, et découvrit le continent d'Amérique. Il en prolongea la côte nonl, qui est celle de Labrador, trouva plusieurs beaux ports et relâcha dans quelques-uns. Le 11 juin, il. entra dans l'un de ces ports, et en prit possession en y plantant une croix et en lui donnant le nom de Saint-Servain ou Saint-Servant.[6] Dès qu'il s'aperçut que ce prétendu Golfe des Chateaux s'élargissait, à mesure que ses bâtiments s'avançaient à l'ouest, et qu'il allait bientôt perdre, de vue les côtes méridionales, il s'éloigna des terres du Labrador, fit route au sud et vint attérir sur le cap Doulle ou d’Oublie,[7] aujourd'hui Pointe Riche. Sa route lui fit ensuite prolonger la pointe occidentale de Terre-Neuve, et le conduisit, presqu'à l'ouverture du. large passage qui donne accès dans le golfe Saint Laurent tout près de l'extrémité sud-est de Terre-Neuve, entre le cap Raye et le cap Breton. Le mauvais temps, qui l'obligea à s'écarter de la côte avant d'y arriver, le porta en vue de quelques petites îles peu éloignées de ce passage, dont il ne fit alors que soupçonner l'existence, mais qu'il devait découvrir à la fin de sa seconde campagne. Toutefois, comme doué d'une seconde vue, Cartier consigna ainsi son opinion sur le journal du bord: “Je crois qu'il y a quelque passage entre la Terre-Neuve et la terre de Brion; s'il en était ainsi, ce serait pour racourcir le temps et le chemin.” Il fit ensuite route à l'ouest et vit le groupe des îles de la Madeleine; il se détourna pour les visiter, mais croyant qu'elles tenaient au continent, il coutinua de se diriger à l'ouest et rencontra la côte occidentale du golfe Saint-Laurent, qu'il visita soigneusement dans l'espoir d'y trouver un passage.

 

Le 30 juin 1534, il mouilla dans le fleuve des Barques, aujourd'hui la rivière de Miramichi. De là Jacques Cartier se rendit dans un petit port qu'il nomma Saint Martin, et y demeura depuis le quatrième juillet jusqu'au douzième. Durant son séjour à Saint-Martin, l'intrépide navigateur alla mouiller dans une baie fort profonde et peu éloignée dans laquelle il eut beaucoup à souffrir de la température, et qu'il nomma pour cette raison Baie des Chaleurs. Il fut fort content des habitants de ces rivages, avec lesquels il échangea quelques marchandises contre des pelleteries et des vivres. Une ancienne tradition rapporte que le castillan Velasco avait abordé dans ces parages avant notre navigateur Malouin, et que, n'ayant aperçu aucune apparence des mines qu'il cherchait avec une ardeur infatigable, il dit à ses compagnons: Aca, nada, (ici rien) mots que les sauvages répétèrent souvent à nos gens: ce qui leur fit croire que Canada était le nom de cette contrée. D'autres au contraire, avec plus de vraisemblance, font dériver ce terme du mot iroquois kannata, qui se prononce Canada et signifie: amas de cabanes. Ce sentiment est appuyé en particulier par le Vocabulaire Canadien, annexé à l'édition originale du second voyage de Jacques Cartier, Paris 1545. D'où nos Français s'imaginèrent sans doute que le nom, commun aux diverses bourgades qu’on leur montrait, était celui de toute la contrée.

 

Cartier, ne trouvant pas l'ouverture qu'il cherchait, remit à la voile. Il vint ensuite mouiller dans la baie de Gaspé,, située très-près de l'embouchure du fleuve Saint-Laurent, et il la prit pour l'entrée d'une rivière. La veille de son départ (24 juillet 1534) Jacques Cartier prit solennellement possession des nouvelles contrées si heureusement découvertes, au nom de son souverain; il plaça dans un lieu apparent une croix fort élevée, avec l'écusson de France surmonté de cet exergue en grosses lettres: Vive le Roy du France. Dans les fréquents rapports qu'il eut avec les naturels du pays, il sut leur inspirer une telle confiance, qu'un de leurs chefs consentit à lui confier deux de ses fils, Taiguragny et Domagaya.

 

Le 25 juillet, le vent devint bon, et les navires remirent sous voiles pour traverser le golfe et regagner Terre-Neuve. Toutefois les navigateurs firent, chemin faisant, quelques découvertes de minime importance, et ce ne fut qu'après bien des traverses qu'ils entrèrent le 9 août dans le hâvre des Blancs Sablons.

 

....Nous partîmes de Blanc-Sablon le 15 août, après avoir oui la messe, et vînmes heureusement jusqu'au mitan de la mer qui est entre Terre-Neuve et la Bretagne, auquel lieu courûmes grande fortune par les vents d'est ; laquelle nous supportâmes par l'aide de Dieu, et du depuis eûmes fort ton temps, en sorte que le cinquième jour de septembre de Van susdit, nous arrivâmes au port de Saint-Malo d'où nous étions partis..

 

Les détails qui précèdent, empruntés à l'analyse qu'a faite le savant M. Rossel du journal de Cartier, permettent de suivre facilement le célèbre navigateur dans son premier voyage. Le Pilote de Terre-Neuve, publié par le dépôt général de la marine, a consacré l'authenticité des découvertes de notre célèbre compatriote, en inscrivant les noms qu'il leur avait donnés au-dessous de ceux qui sont actuellement en usage. M. Rossel ne trouve pas aussi claire la description de la route suivie par Cartier après son départ de la baie de Gaspé; il regarde néanmoins comme certain que, prenant pour un golfe le canal du fleuve Saint-Laurent situé entre la rive droite du fleuve et l'ile d'Anticosti, il en traversa l'ouverture et chercha ensuite à pénétrer par le canal qui passe au nord de la même île. On est fondé à croire qu'il s'avança jusqu'à la pointe occidentale, où il vit le canal s'élargir, et où il éprouva des courants violents qui durent lui indiquer que c'était l'embouchure d'une grande rivière.

 

Le 5 septembre 1534, Cartier, de retour à Saint Malo avait dressé un rapport exact et circonstancié de tous les incidents et de toutes les découvertes de son premier voyage, et l'avait fait présenter François 1er, par son protecteur déclaré, Charles de Mouy sieur de la Meilleraye, qui avait déjà été pour beaucoup dans la première expédition du célèbre malouin. “Sa Majesté voulant le parachèvement de la découverte des terres occidentales estantes sous le climat et parallèle des terres et royaume du dit Seigneur, nomma Jacques Cartier capitaine et pilote général aux prières et suppliques de noble homme, Charles de Mouy vice-admiral des galères de France."

 

En conséquence le Roi ordonna d'armer et d'équiper pour quinze mois trois bâtiments, qui devaient composer la seconde expédition: La Grande Hermine, la Petite Hermine et le gallion l’Emérillon, et il en conféra à Cartier le commandement par une commission en date du 30 octobre 1534. Elle est ainsi conçue: “Philippe Chabot etc., etc., admirai de France, etc., etc., au capitaine et pilote maistre Jacques Cartier, de Saint Malo, salut! Nous vous avons commis et député, commettons et députons, du vouloir et commandement du Roy, pour conduire, mener et employer, troys pavyres équipés et advitaillés chacun pour quinze moys, au parachèvement de la navigation par vous ja commencé à découvrir oultre les Terres Neuves;. et en iceluy voyage, essayer de faire et accomplir ce qu'il a plu à mon dit Seigneur vous commander et ordonner: pour l'équipaige duquel vous achepterez ou fretterez â tel prix raisonnable que adviserez etc, et selon que vous congnoistrez être bon pour le bien de la dite navigation, les dits troys navyres ; prendrez et louerez le nombre de pilotes, maistrés et compaignons etc., qu'il vous semblera estre requis et nécessaire pour l'accomplissement d'icelle navigation. Desquelles choses, faire, équiper, dresser, mettre sus, nous avons donné et donnons pouvoir, commission et mandement espécial; avec la charge et superintendance d'iceulx navyres, voyaiges et navigation, tant à aller que retourner. Mandons et Commandons à tous les dits pilotes, maistres, etci, vous obeyr et suyvre pour le service du Roy, en ce que dessils, comme ils feroient à nous-mêmes, etc. Donné soubz nos seing et sel d'armes, le pénultiesme jour d'octobre l'an 1534.(Voyez justifications ici jointes.) L'armement étant terminé vers le milieu de mai 1535, "le dimanche, jour et feste de la Pendecoste, seizième jour de may au dit an mil cinq cens trente cinq, du commandement du capitaine, et bon vouloir de tous; chacun se confessa et reçûmes tous ensemble notre Créateur en l'Eglise Cathédrale de Saint-Malo ; après lequel avoir reçu, fûmes nous présenter au "chœur de la dite église devant révérend père en Dieu, monsieur de Saint-Malo, (Monseigneur François Bohier, évêque de Saint-Malo, aumônier ordinaire du roi François 1er.) lequel en son estât episcopal nous donna sa bénéion.[8]

 

Le mercredi 19, par un beau temps, la petite flottille mit à la voile, sous de fort heureux auspices. Cartier montait la Grande Hermine de 120 tonneaux et avait pour second Thomas Frosmont. Plusieurs gentilshommes désireux de chercher des aventures, avaient voulu le suivre en qualité de volontaires ; de ce nombre étaient plusieurs malouins, et entre autres Jean Garnier sieur de Ohambeaux, Macé Jallobert, commandant la Petite Hermine. Puis venaient Claude de Pontbriand, échanson du dauphin, Charles de la Pommeraye, Jean Poulet, Garnier de Chambeaux, de Goyelle et quelques autres. Le personnel pouvait donc se classer ainsi:

 

La. Grande Hermine de 120 tonneaux. Capitaine général: Jacques Cartier.

 

Maître: Thomas Promont.

 

La Petite Hermine de 60 tonneaux. Capitaine: Macé Jalobert ou . Jallobert (de St.-Malo) beau-frère de Jacques Cartier. Maître: Guillaume Le Marié, aussi malouin.

 

L’Emérillon de 40 tonneaux: Capitaine Guillaume Le Breton. Maître: Jacques Maingart, tous les deux de Saint-Malo.

 

Après quelques semaines de navigation, les vents contraires séparèrent les trois navires, qui ne purent se rejoindre que le 26 juillet, au havre de Blanc-Sablon, dans la détroit de Belle-Isle, indiqué comme lieu de rendez-vous en cas de séparation. Le 31, les trois navires, réunis depuis quelques jours, donnèrent dans le fleuve Saint-Laurent et découvrirent le cap Tiennot,[9] aujourd'hui Mont-Joli. Le 1er août, la Grande Hermine fut contrainte par le mauvais temps de se réfugier dans le port Saint-Nicolas; Cartier y planta une croix pour marqua avec les armes de France, et y demeirra jusqu'au 7 pour entrer dans une belle et grande baie couverte d'Iles verdoyantes qu'il nomma Saint-Laurent,[10] en commemoration du saint dont la fête tomba ce jour. Après s'être approché le 15 de l'île d’Anticosti, qu'il nomma île de l’Assomption, il remonta le fleuve, entra le 1er septembre dans la rivière de Saguenay, dont il ne fit que reconnaître l'embouchure, et, continuant ses explorations, il mouilla le 14 “sur un affourc d'eau, fort beau et plaisant, auquel, lieu il y a une petite rivière et hàble de barre, marinant de 2 h 3 brasses qu'il trouva propice pour mettre ses navires à sauveté. C'est proche de cet endroit que lai ville de Québec a été bâtie. La petite rivière, où les vaisseaux de Cartier hivernèrent, reçut le nom de Saint-Charles,[11] qu'elle porte encore aujourd'hui, et le lieu où, Cartier débarqua prit celui de Sainte-Croix, parce qu'il y était arrivé le 14 septembre, jour où les catholiques fêtent l'exaltation de la Sainte-Croix. Le lendemain,[12] il reçut la visite d'un chef du pays, et comme ils avaient avec eux Taiguragny et Domagaya, ces deux sauvages qui avaient appris notre langue par la fréquentation des Européens et leur voyage en France, contribuèrent à établir des relations d'amitié entre les Français et les naturels. Le chef qui était venu rendre visite à Jacques Cartier s'appelait Donnacona; il pria le capitaine général de “lui donner ses bras pour baiser et accoller, qui est leur mode de faire chère en la dite terre de Canada.'' Le 19, le capitaine général laissa ses deux plus forts vaisseaux, la Grande Hermine et la Petite Hermine à Sainte- Croix, et partit sur l’Emerillon, accompagné seulement de MM. de Pontbriand, de la Pommeraye et de Goyelle, [13] pour aller à la découverte du village d’Hochelaga, sur les ruines duquel a été bâtie depuis la ville de Montréal, à plus de 150 lieues marines de l'embouchure du fleuve. “Le capitaine général fit planter balises et marches pour plus clairement mettre les navires en sûreté. Et le lendemain entra ses deux plus grands navires dans le dit huile et rivière, et le Gallion fut laissé en rade pour le mener à Hochelaga. Il arriva le 29 à l'extrémité du lac Saint-Pierre, où il fut arrêté par une barre, qui traversait le canal dans lequel il voulait passer. Jacques Cartier se décida alors à victuailler et accoustrer les barques et mettre victuailles pour le plus de temps possible, et continua son voyage d'exploration, accompagné, comme nous venons de le dire, de la Pommeraye, de Pontbriand, de la Godelle [14] et de plus de Jean Gouyon, de Jean Poullet, de Macé Jallobert et de Guillaume Le Breton, en tout vingt-huit personnes.[15] Ils arrivèrent le 2 octobre à Hochelaga, et il visita le même jour[16] a montagne au pied de laquelle était placé n village qu’il nomme Mont Royal[17]. Les habitants de cette bourgade reçurent parfaitement les intrépides navigateurs, et célébrènt leur arrivée par des jeux et des fêtes. Quelques auteurs ont cru que notre célèbre malouin s’était avancé jusqu’à la grande cataracte de Niagara, mais c’est une grossière erreur. Après avoir exploré la contrée et fait alliance avec les principales tribus du pays, Cartier partit d’Hochelaga le 5 octobre, pour retourner à Sainte-Croix où il arriva le 11 et se disposa à y passer l’hiver ; c’est alors qu’il donna la dernière main au fort que ses compagnons avaient élevé pendant son absence. “Durant la voyage de Jacques Cartier les maîtres et mariniers qui étaient restés à la garde des deux navires, avaient fait un fort tout clos de grosses pièces de bois plantées debout, et tout à l’entour garni d’artillerie et bien en ordre, afin de se défendre contre tout pays.”

 

La rigueur et la prolongation de l’hiver, le manque de vivres frais, lui firent perdre en peu de temps vingt-cinq hommes de ses équipages. Le scorbut sévit avec une telle force sur les autres que des cent-dix hommes qu’il avait au milieu de février 1536, il n’y en eut pas dix qui ne fussent atteints de ce redoutable fléau. Mais écoutons Cartier lui-même nous raconter les maux de ses compagnons : " Depuis la mi-novembre jusqu’au dix-huit d’avril, avons été continuellement enfermes dedans les glaces, lesquelles avaient plus de deux brasses d’épaisseur ; et dessus la terre y avait la hauteur de quatre pieds de neige et plus : tellement qu’elle estoit plus haute que les bords de nos navires, lesquelles ont duré jusques au dit temps : en sorte que les breuvages estoient tous gelés dedans les futailles et par dedans des dites navires. Auquel temps, nous décéda jusques au nombre de vingt-cinq personnes des prinicpaux et bons compaignons qu’eussions, lesquels moururent de la maladie susdite : et pour l’heure y en avoit plus de quarante en qui on n’espéroit plus de vie et le pardessus tous malades, que nul n’en estoit exempté, excepté trois ou quatre. Mais Dieu par sa sainte grâce nous recarda en pitié et nous envoya connaissance et remède de nostre guérison et santé. "

 

Ce moyen inespéré de guérison fut fourni au malheureux compagnons de Cartier par n sauvage qui les ayant quittées quelque temps auparavant, les jambes enflées, et dans un état effrayant, revint quelques jours après se présenter à eux très-bien portant. Il attribua son rétablissement à l’usage q’il avait fait des feuilles et de l’écorce d’un certain arbre, qu’il indiqua à Cartier. Celui-ci fit abattre l’arbre et l’employa en entier[18] au traitement de ses équipages : "Car après qu’ils en eurent bu, ils eurent l’avantage, qui se trouva être un vray et évident miracle. Cat de toutes maladies de quoy ils estoient entachés, après avoir bu deux ou trois fois, recouvrèrent santé et guérison. Cet arbre avait nom en langage naturel, annedda " C’est l’épinette blanche.

 

Dès que ses équipages furent en état de supporter les fatigues du voyage, Cartier fit ses dispositions de départ, pour revenir en France. Dès le 21 avril[19], il prit la résolution d’abandonner la Petite Hermine, à cause des pertes nombreuses qu’il avait faites en ses hommes d’équipage. En conséquence, il retira de ce navire tout ce qui pouvait lui être de quelque utilité, et fit transporter ce matériel à bord de la Grande Hermine et de l’Emerillon, ne laissant absolument que la carcasse de la Petite Hermine. Cette carcasse a été retrouvée le 26 septembre 1843. Quelques parcelles en ont été détachées pour le musée de St. Malo, où on les voit encore aujourd'hui.

 

Le 6 mai les deux navires mirent à la voile, emmenant neuf chefs des naturels, que l'on avait surpris par stratagème ; les historiens ont conservé trois noms des plus célèbres d'entre eux : Donnacona, Taiguragny et Domagaya. Quelques auteurs ont révoqué en doute l'enlèvement de ces sauvages. Le fait n’est pourtant que trop vrai. On en trouve la preuve clans l'acte de baptême de trois d'entre eux, les seuls qui n'eussent pas succombé, deux ans après leur arrivée en France: “Ce jour, Notre Dame, 25e mars de Van 1538, furent baptizés trois sauvages hommes, des parties du Canada, prins au dit pays, par honneste homme Jacques Cartier, capitaine pour le Roy notre Sire, pour descouvrir les dites terres, etc., etc.”

 

Tout en faisant route vers la France, le capitaine général sa livrait à de nouvelles explorations, et relâcha dans la baie des Trépassés sur la côte de Terre-Neuve. Jacques Cartier passa par le canal qui est au sud d'Anticosti et qu'il avait pris pour un golfe en 1534. Il vint ensuite chercher le passage qu'il avait supposé, à la même époque, devoir exister au sud de Terre-Neuve, et compléta par cette dernière découverte celle du fleuve Saint-Laurent. Là il prit de l'eau et du bois et quittant cette baie le. 19 juin, jeta l'ancre dans la rade de St. Malo, le 16 juillet 1536, après avoir doté sou pays d'une immense région, à laquelle il venait de donner le nom de Nouvelle-France.

 

Il est vrai que quelques pêcheurs malouins, dieppois et basques avaient, dès les années 1495 et 1504, découvert quelques-uns des parages que notre célèbre compatriote venait de parcourir, que Jean Cahot et ses trois fils en 1497, Gaspard Cortereal en 1500, quelques marchanda de Bristol en 1502, Jean Denys et Velasco en 1506 et Thomas Aubert en 1508, y avaient fait de courtes visites que le baron de Léry avait voulu en 1518 établir une colonie dans l'ile de Sable, que les frères Parmentier en 1520 avaient découvert l'ile Royale ou du cap Breton ; et enfin que Jean Verazzani, déjà connu par d'autres découvertes, avait fait du côté du golfe Saint-Laurent quelques reconnaissances fort utiles: "mais, dit le Père Charlevoix, notre Malouin, né observateur, indépendamment de la gloire qu'on ne peut lui refuser d'avoir le premier remonté le fleuve St. Laurent, fit à lui seul plus que tous ces personnages ensemble ; et abstraction faite des contes et du merveilleux dont il s'avisa, à l'exemple de presque tous les voyageurs, d'embellir sa relation, ses mémoires méritèrent longtemps de servir de guides à tous ceux qui entreprirent de naviguer dans ces régions glacées." Le dictionnaire littéraire de 1789, si estime, corrobore encore cette opinion en disant à l'article Cartier: “Cartier fit plue que de découvrir le Canada, il visita tout le pays avec beaucoup de soin et laissa une description exacte des îles, des côtes, des ports, des détroits, des golfes, des rivières et des caps qu'il reconnut. Nos marins se servent encore aujourd'hui de la plupart des noms qu'il donna à ces différents endroits."

 

Quelques auteurs, et Champlain entre autres, ont prétendu que Cartier, après son retour, en présentant Donnacona au roi, essaya [20] de dégoûter le monarque du Canada, et de le dissuader d'y penser d'avantage: mais ce sentiment ne s'accorde en aucune sorte avec la manière dont Cartier lui-même s'exprime dans ses écrits, ni avec ce qu'on en lit dans les diverses relations de ses aventures.

 

Mais le meilleur démenti donné à ces faux rapports fut la résolution bien déterminée que prit, quelque temps après, François 1er., de former une troisième expédition maritime, cette fois sur une plus grande échelle que les deux premières ; et, pour preuve que Cartier était toujours dans les bonnes grâces de son souverain, il suffit de jeter les yeux sur ses lettres patentes en date du 17 octobre 1540 :“ Notre cher et lien aymé Jacques Cartier a trouvé ces pays, ainsy qu'il nous a rapporté, garnis de plusieurs bonnes commoditez, les peuples d’iceulx bien formez de corps et de membres, et bien disposez d'esprit et entendementdesquels il nous a amené aucun nombre, que nous avons par longtemps fait instruire en nostre sainte foi; etc."

 

La véritable cause pour laquelle la cour de France différa pendant quatre années encore, ajoute M. Manet, à établir une colonie, fut qu'on n'avait trouvé en cette contrée aucune apparence de mines,[21] et qu'alors, plus encore qu'aujourd'hui, une terre étrangère qui ne produisait ni or ni argent, n'était comptée pour rien. Celui qui cependant contribua le plus à vaincre les longues résistances que cette troisième expédition rencontra à la cour, fut un gentilhomme nommé François delà Roque, seigneur de Roberval, que François 1er avait coutume d appeler : le Petit Roide Vimeu, à cause de la grande considération dont il jouissait dans sa province de Picardie. Ce gentilhomme demanda à sa Majesté la permission de suivre Cartier[22] dans ses découvertes; et il l'obtint. Mais une commission simple était trop peu de chose pour un personnage de sa considération ; de sorte que François 1er. par lettres patentes en date du 15 janvier 1540,[23] l'établit son vice roi et son lieutenant général en Canada, Labrador et autres lieux circonvoisins. Cartier, avec le titre de capitaine général et de maître pilota des vaisseaux du Roy, fut chargé de l'armement de cinq navires formant l'expédition projetée. M. de Roberval vint à Saint-Malo presser l'armement, mais comme on no put rassembler assez promptement le matériel nécessaire aux deux vaisseaux qu'il équipait lui-même, il pressa Cartier de partir, et ne mit à la voile que l'année suivante, à La Rochelle.

 

Cartier sortit donc de Saint-Malo le 23 mai 1541 et arriva à Terre-Neuve avec deux navires seulement. Au bout de deux mois de séjour dans le havre de Carpont, il y fut rejoint par les trois autres navires de l'expédition, mais Roberval ne parut pas. Enfin après trois mois d'une traversée pénible Cartier arriva dans le havre de Sainte-Croix. Il reçut alors la visite d’Agona que Donnacona avait fait nommer roi pendant son absence. Le capitaine lui fit le récit de la mort des naturels passés en France; Agona qui restait de cette manière souverain du pays ne put dissimuler son contentement ; il tira la couronne de cuir garnie d’ésurguy et la plaça sur la tête de Cartier en lui témoignant beaucoup de joie et de respect. J'ai tout lieu de penser que ce mot ésurguy désignait un métal [24] quelconque puisque nous trouvons dans la relation du second voyage: “Et sur ce, vint' une barque des principaux naturels à lord des dicts navires, lesquels firent don à notre capitaine de vingt-quatre colliers d’ésurguy, qui est la plus grande richesse qu'ils aient en ce monde, car ils Vestiment mieux qu'or et argent. Étant allé visiter un havre et une petit rivière à quatre lieues plus outre, aujourd'hui la rivière rouge[25] et l'ayant trouvée commode, il y conduisit trois de ses navires; puis il fit bâtir sur la rive une citadelle qu'il nomma Charlesbourg[26] et y arma deux canots dans le dessein de passer par les cataractes,[27] au Saguenay, mais il changea de résolution comme le prouve la chronique suivante: “Le capitaine général ayant renvoyé les deux navires, ainsi qu’il en avait eu l'ordonnance du Roy et faict commencer la bâtisse d'un fort, prit projet avec le dict viscomte de Beaupré et maints gentilshommes, tant maistres que pilotes choisis par la délibération, d'un chacun à faire voyage avec deux barques pour y voir et comprendre la façon des saults d'eau qu'il y a à passer pour aller au Saguenay, afin de se disposer pour le printemps proche à passer outre. Et adonc arrivés au dict premier sault se rendirent tous au village du second sault ; mais voyant que le tierce sault était plus avant dans les terres et marécages, reprirent la route de Tutonaguy pour par delà retourner à Hochelaga."

 

Cependant l'on était déjà en mai 1542, et le seigneur de Roberval, si impatiemment attendu depuis longtemps, n'arrivait point. Pour surcroit de contrariété, les vivres commençaient à manquer, les naturels devenaient exigeants, les hommes composant les équipages commencèrent à murmurer.[28] Ils se mutinèrent tout à fait et contraignirent Cartier à se rembarquer avec eux pour la France. Le capitaine général, ne pouvant opposer une résistance suffisante aux volontés de ses équipages, céda et fit voile vers l'Europe, A la hauteur de Terre-Neuve, dans le havre ,de Saint Jean, il retrouva le vice-roy qui lui amenait un grand convoi et qui sollicita vivement Jacques Cartier à retourner au Canada ; mais notre grand navigateur, s'y étant refusé par différents motifs, préféra continuer sa route vers la France et arriva à Saint-Malo après dix-sept mois d'absence,[29] au commencement d'octobre 1542. Nous le voyons en effet tenir sur les fonts de baptême la fille du lieutenant gouverneur de notre ville, le 21 du dit mois. D'autres historiens prétendent que Jacques Cartier au contraire fut obligé de retourner au Canada avec M. de Roberval; voici comment le savant M. Manet s'explique à ce sujet: “Dès que M. de Roberval eut rétabli le fort de Charlesbourg dans un état satisfaisant de défense, il y laissa de nouveau Jacques Cartier, [30] avec une certaine quantité de gens : mais il envoya l'un de ses pilotes, nommé Jean Alphonse de Xaintonge, dans le nord de Terre-Neuve pour chercher un passage aux Indes. Ce dernier s'éleva jusqu'au cinquante-deuxième degré de latitude, et n'alla pas plus loin. On ne dit point combien de temps il employa dans ce voyage ; mais il y a bien à ': conjecturer qu'il ne retrouva plus M. de Roberval en Canada, puisque ce fut à Jacques Cartier qu'il rendit compte de ses découvertes.[31]M. de Roberval fit à lui seul plusieurs autres expéditions; la dernière eut lieu en 1549 et ne fut pas heureuse. Il dit dans son registre de bord [32]que Jacques Cartier rapportait plusieurs diamants et de l'or en abondance. Quant à Jacques Cartier, depuis [33] sa dernière expédition qu'on a bien de la peine à préciser d'une manière certaine, il ne reprit plus la mer. [34] L'hiver, il habitait sa ville natale, et l'été, le capitaine se retirait au village de Limoilou, où il avait fait bâtir une jolie maison de campagne, désignée encore aujourd'hui sous le nom de Portes-Cartier. A son nom de famille, notre navigateur, anobli par François 1er. ajouta le titre de Seigneur de Limoilou. Le dernier acte de nos registres qui atteste l'existence du noble capitaine, est un titre du chapitre de Saint-Malo, en date du 29 novembre 1549,[35] par lequel “Jacques Cartier, sieur de Limoilou, présent en nos murs, et Catherine Les-granges, sa femme, fondèrent dans la cathédrale un obit, moyennant une somme de quatre livres, forte monnaie, de rente, sur l’hypothèque de leur maison et jardin situés jouxte l’hôpital de Saint Thomas.” Depuis cette époque il n'est plus fait mention de lui, de sorte qu'on ne sait où le conquérant finit ses jours. Ce qu'il y a de certain c'est que les registres et les archives de la ville de Saint-Malo ne font nullement mention de sa mort. On ne sait au juste si Jacques Cartier laissa des héritiers directs de son nom et de sa renommée. Je ne le crois pas, mais, à défaut d'enfants, il laissa une foule de collatéraux.

 

On voit dans nos archives municipales, sous la date du 14 Janvier, 1588, des lettres de Henri III, en vertu desquelles pour reconnaître les services rendus à l’Etat par Jacques Cartier, leur oncle, sa majesté daigna accorder aux sieurs Etienne Chatton de la Jaunais et Jacques Noël ou Nouël, capitaines de navires et maîtres pilotes de Saint-Halo, le commerce exclusif du Canada pendant douze ans, avec faculté à eux de transporter chaque année dans ce pays, pour l’exploitation des mines découvertes ou à découvrir, soixante criminels tant hommes que femmes, condamnés à mort ou à quelque autre peine corporelle: mais cette faveur ne dura que jusqu'au 5 mai, 1589, époque où les Malouins obtinrent du même prince la rétraction de ce privilège.

 

La postérité de Jacques Cartier, dit M. Manet, s'est éteinte parmi nous le 9 Janvier 1665, dans la personne de Hervée Cartier. Quant aux descendants collatéraux de cette ancienne famille, on en trouve encore aujourd'hui en Pleurtuit et en Saint-Coulomb (communes de l'arrondissement de Saint-Malo), et M. Aubault, en particulier, receveur actuel de nos hospices, originaire de la dernière de ces deux paroisses, peut se glorifier d'être issu d'une Julienne Cartier, mariée en 1723 à un Jean Aubault de la Haute Chambre.

 

 

SOURCES ET AUTEURS A CONSULTER

 

10. Manuscrits.

 

Archives de la ville de Saint-Malo.

Journal ou Mémoires de Jacques Cartier écrits par lui-même.

Mémoires des neveux de Jacques Cartier sur les trois expéditions de leur oncle.

Registres de l’Etat Civil de la ville de Saint-Malo.

 

 

20. Ouvrages imprimés

 

10. Prima relatione délia navigatione di Jacques Cartier, piloto di Francia, délia terra nuova detta la Nuova Francia, trovata del anno 1534 in-fo. Venise 1563.

 

20. Brief récit et succincte narration de la navigation faite es isles de Canada, Hochelaga et Saguenay et autres et particulièrement des mœurs, langages et cérémonies d'habitans d'icelle. Paris, Ponce Roffet, 151-6, petit in-8.

 

30. Discours du voyage de Jacques Cartier aux terres-neuves de Canada, Norimbergue, Hochelaga, Labrador et pays adjacens es Nouvelle-France en 1534. Rouen. Raphael du Petit-Val. 1596. petit in-8.

 

40. Journal de Jacques Cartier. Collection Italienne de Ramusio, Venise, 1565. in-fo. T. III.

 

50. Journal de Jacques Cartier, Histoire de la Nouvelle-France, par Marc Lescarbot.

 

60. Troisième voyage de Jacques Cartier, T. III delà collection Hackluyt, Leyde, 1600, in folio.

 

70. Biographie des Malouins Célèbres, par M. Manet. Article, Cartier. Paris 1824.

 

8o. Saint-Malo illustré par ses marins, par M. Cunat, Paris 1857.

 

90. Biographie Bretonne par M. Livot. Vannes, 1858 : Article, Cartier.

 

 

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DOCUMENTS RELATIFS A JACQUES CARTIER ET A SA FAMILLE

 

5E ENVOI DE MR. DEMAZIÈRES DE SÉCHELLES

 

SOMMAIRE

 

COPIES des textes originaux, fort difficiles à déchiffrer :—

1° De LETTRES PATENTES délivrées par François 1er. à Jacques Cartier (17 Octobre, 1540).

2° Des LETTRES PATENTES du Dauphin (Henri II) au célèbre navigateur (20 Octobre, 1540).

3° D'une ORDONNANCE de François 1er en date à Evreux du 3 avril, 1542, nommant M.Robert Legoupil Lieutenant de l'Amirauté, pour vérifier les comptes et prétentions de Jacques Cartier et du Sieur de Roberval.

4° D'un extrait de la dite VERIFICATION fait par Etienne Gravé, Notaire à Saint Malo, le 26 Novembre, 1587.

5° D'une LETTRE PATENTE d'Henri III, en date du 29 Août 1575, nommant Etienne Chatton de la Jaunaye, neveu de Cartier, Capitaine de navire aux gages de six cents livres par an.

6° NOTE sur Etienne Chatton, Sieur de la Jaunaye et neveu de Cartier.

 

 

LETTRES patentes données par François 1er à Jacques Cartier, le 17 Octobre 1540, lui conférant le titre de Capitaine Général et de Maître Pilote des navires qu'il conduit aux terres neuves des pays de Canada, Ochelaga et Saguenay, le droit de prendre le gallion l’Esmérillon pour servir de radoub aux autres navires, ainsi que celui de choisir 50 condamnés pour le service de l'expédition.

 

 

 

François par la grâce de Dieu Roy de France, à tous ceux qui ces présentes lettres verront : Salut.

 

Comme pour le désir d'entendre et avoir connaissance de plusieurs pays, que on dict inhabitez et autres estre possédez par gens sauvages, vivans sans connaissance de Dieu, et sans usage de raison, nous avons à grands frais et mises, envoyé découvrir les dits pays, par plusieurs bons pilotes et autres nos subjectz de bon entendement, sçavoir et expérience, qui d'iceux pays, nous auraient amené divers hommes, que nous avons par long temps tenus en nostre Royaume, les faisans instruire en l'amour et la crainte de Dieu et de sa sainte foy et doctrine chrestienne, en intention de les faire ramener es dictz pays, en compagnie de bon nombre de nos subjectz de bonne volonté, afin de plus facilement induire les autres peuples d'iceux pays à croire en notre sainte foy ; et entre autres y eussions envoyé notre cher et bien aimé Jacques Cartier, lequel aurait découvert grand pays des terres de Canada et Ochelaga faisant un bout de l'Asie, du costé de l'occident, lesquels pays, il a trouvez, ainsi qu'il nous a rapporté, garnis de plusieurs bonnes commodités et les peuples d'iceux bien formez de corps et de membres, et bien disposez d'esprit et d'entendement ; desquels peuples, il nous a semblablement amené aucun nombre, que nous avons par longtemps fait vivre et instruire en notre sainte foy avec nos'ditz subjets[36] En considération de quoy, et de leur bonne inclination, nous avons advisé et délibéré de renvoier le dit Cartier ès pays de Canada et Ochelaga et jusqu'en la terre de Saguenay, s'il peut y aborder, avec bon nombre de navires et de nos dictz sujets de bonne volonté, et de toutes qualités, arts et industrie, pour plus avant entrer èsdicts pays, converser avec les dits peuples d'iceux, et avec eux habiter, si besoin est, afin de mieux parvenir à notre dicte intention et à faire chose agréable à Dieu nostre Créateur et Rédempteur, et qui soit à l'augmentation de son saint et sacré nom, et de nostre sainte Eglise Catholique, de laquelle nous sommes dict et nommé le premier fils.

 

Pourquoy, soit besoign, pour meilleur ordre et expédition de la dicte entreprise, députer et establir un capitaine général et maistre pilote des dicts navires, qui ait regard à la conduite d'iceux, et sur les gens, officiers et soldats y ordonnés et establis. Savoir faisons, que nous sommes plein confions de la personne du dict Jacques Cartier et de ses sens, suffisance, loyaulté, preud'homie, hardiesse, grande intelligence et bonne expérience. Sachez pour ces causes et autres à ce nous mouvans: avons fait et constitué, ordonné, et establi, faisons, constituons, ordonnons et établissons par ces présentes, Capitaine Général et Maistre Pilote de tous les navires et autres vaisseaux de mer, par nous ordonnés estre menés pour la dicte entreprise et expédition, pour le dit estât et charge de Capitaine Général et Maistre Pilote d'iceux navires et vaisseaux, avoir, tenir et exercer par le dict Jacques Cartier, aux honneurs, prérogatives, prééminences, franchises, libertés, gaiges et bienfaicts, tels que par nous luy seront pour ce ordonnés, tant qu'il nous plaira, et luy avons donne et donnons puissance et autorité de mettre, establir et instituer aux dicts navires tels lieutenants, patrons, pilotes et autres ministres nécessaires pour le faict et. conduite d'iceux, et en tel nombre qu'il verra et cognoistra estre besoign et nécessaire pour le bien de la dicte expédition.

 

Si donnons en mandement par ces dites présentes à nostre Admiral ou Vice-Admiral que, pris et reçu du dit Jacques Cartier le serment pour ce du et accoutumé, iceluy mettent et instituent ou fassent mettre et instituer, de par nous, en possession et saisine du dit estât de capitaine général et maistre pilote et d'iceluy ensemble des honneurs, prérogatives, prééminences, franchises, libertés, gaiges, et bienfaicts tels que par nous luy seront à ce ordonnez, le fassent, souffrent, et laissent jouir et user pleinement et paisiblement et à lui obéir et entendre de tous, et ainsi qu'il appartiendra es choses touchant et concernant le dict estât et charge, et outre, luy fasse, souffre et permette prendre le petitigallion appelé: l’Esmèriïlon, que de présent il a de nous, lequel est jà vieil et caduc, pour servir à l'adoub de ceux des navires qui en auront besoing et lequel nous voulons estre pris et appliqué par le dict Cartier pour l'effect sus, sans qu il soit tenu d'en rendre aucun autre compte ni reliquat, et duquel compte et reliquat nous l'avons deschargô et deschargeons par icelles présentes, par lesquelles nous mandons aussy à notre Prévost de Paris, Baillifs de Rouen, de Caën, d'Orléans, de Bloys, et de Tours, Sennéchaux du Maine, d'Anjou et Guyenne et à tous nos autres Baillifs, Sennéchaux Prevosts et Alloués et autres nos justiciers et officiers tant de nostre dict Royaume, que de notre pays de Bretagne, uny à iceluy, par devers les quels sont aucuns prisonniers accusez ou prévenus d'aucuns crimes, quels qu'ils soient, hors des crimes d'hérésie et de léze-majesté divine et humaine envers noua et de faulx monnayeurs, qu'ils aient incontinent à délivrer rendre et bailler ès mains du dict Cartier, ou ses commis et députez portant ces présentes, ou le duplicata d'icelles, pour notre service en la dicte entreprise et expédition, ceux des dicts prisonniers qu'il cognaitra estre propres suffisants et capables pour servir en. icelle expedition, jusqu'au nombre de cinquante personnes, et, selon le choix que le dict Cartier en fera, iceux premièrement jugés et condamnés selon leur démérite et la gravité de leurs méfaits, si jugez et condamnez ne sont, et satisfaction aussi préalablement ordonnée aux parties civiles et intéressées, si fait n'avait été. Pour laquelle toutefois ne voulons la délivrance de leurs personnes ès mains du dit Cartier; s'il les trouve de service, estre retardée ni retenue, mais se prendra la dicte satisfaction sur leurs biens seulement et laquelle délivrance des dicts prisonniers accusés ou prévenus, nous voulons estre faicte es dites mains du dit Cartier, pour l'effet dessus dict, par nos dicts justiciers et officiers respectivement, et par chacun d'eux en leur regard, pouvoir et jurision, nonobstant oppositions ou appellations-quelconques faictes ou à faire, relevées ou à relever, et sans que, par le moyen d'icelles, icelle délivrance en la manière dessus dicte soit aucunement différée. Et afin que plus grand nombre n'en soit tiré outre les dicts cinquante, nous voulons que la délivrance que chacun de nos dicts officiers en fera au dict Cartier soit escripte et certifiée en la marge de ces dites présentes, et que néanmoins registre en soit par eux faict, et envoyé incontinent par devers notre amô et féal Chancelier, pour cognoistre le nombre et la qualité de ceux qui ainsi auront esté baillez et délivrez, car tel est notre plaisir.

 

En témoignage de ce, nous avons fait mettre nostre scel à ces dites présentes.

 

Donné à Saint-Prix le dix-septième jour d'octobre l'an de grâce mil-cinq-cent-quarante et de nostre règne le vingt-sixième.

 

Ainsi signé sur le reply : Par le Roy, Mgr. le Chancelier et autres présents, signé: De la Chesnaie et scellé sur le dict reply à simple queue de cire Janine.

 

Auxquelles lettres est attaché sous contre-scel, autres lettres patentes dont la teneur suit:

 

LETTRES patentes délivrées par le Dauphin (Henri II) à Jacques Cartier, au Château de Sainct Prix le 20 octobre 1540, corroborant celles de son père et contenant quelques instructions supplémentaires, relativement à l'extradition des 50 condamnés.

 

Henry fils aine du Roy, Dauphin de Viennois, Duc de Bretagne, Comte de Valentinois et de Diois, à nos amez et féaux les gens de nos Conseil et Chancellerie, Sénéchaux, Allouez, Lieutenants, et à tous nos autres Justiciers et Officiers en nos dits pays et Duché: Salut.

 

Nous vous mandons que suivant le contenu des lettres patentes du Roy nostre tres-honoré Seigneur et père, données en ce lieu de Sainct-Prix, le dix-septième jour de ce présent mois, auxquelles ces présentes sont attachées soubz le contre-scel de nostre chancellerie, vous ayez incontinent à délivrer, rendre et bailler entre les mains de nostre cher et bien amé Jacques Cartier, Capitaine Général et Pilote de tous les navires et autres vaisseaux de mer que le Roy nostre dict Seigneur et père envoya es pays de Canada et Ochelaga et jusqu'en la terre du Saguenay, pour les causes déclarées ès lettres, ou à ses commis et députez portant les es lettres, et ces es présentes, les prisonniers estant par devers vous accusez ou prévenus d'aucun crime quoiqu'il soit, hors du crime d'hérésie et lèze-majcsté divine et humaine et de faulx mormayeur, que le dict Cartier cognoistra estre propres, suffisants et capables pour servir es voïage et entreprise, jusqu'au parlai et du nombre de cinquante personnes et selon le choix que le dit Cartier en fera, iceux premièrement jugez et condamnez selon leurs démérites et la gravité de leurs méfaicts, si jugez et condamnez ne sont, satisfaction aussi préalablement faicte aux parties civiles et intéressées, si faicte n'avait été, sans toutefois pour la dicte satisfaction retarder la délivrance de leurs personnes ès mains du dit Cartier, s'il les trouve de service comme dict est. Mais ordonnons icelle satisfaction estre prise sur leurs biens seulement, et afin qu'il n'en soit tiré plus grand nombre que cinquante, chacun de vous, respectivement, regarderez la marge des es lettres combien il en aura été délivré au dict Cartier, et ferez écrire et certifier en icelle marge ceux que luy ferez délivrer et néanmoins en tiendrez registre, que vous enverrez à notre très-cher et féal Chancelier de Trance et le nostre pour cognoistre le nombre et qualité qui ainsi auront esté délivrez, le tout selon et ainsi qu'il est plus au long contenu et déclaré ès lettres du Roy nostre dict Seigneur et père, et que le dict Seigneur le veult et mande par icelles.

 

Donné à Sainct-Prix, le vingtième jour d'octobre l'an mil-cinq-cent-quarante (1540).

 

Ainsi signé par Monseigneur le Dauphin et Duc. Signé: Clausse.

 

Et scellées à simple queue de cire rouge.

 

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Ordonnance de François 1er, en date à Evreux du 3 Avril 1542, nommant Me. Robert Legoupil lieutenant de l'Admirauté, juge et arbitre des démêlés existant entre l'Admirauté de France, Jacques Cartier et le Sieur de Roberval.

 

François, par la grâce de Dieu, Roy de France.

 

A nostre aimé et féal Conseiller et Lieutenant en l'Admirauté de France, à la table de Marbre de notre palais de Rouen, maistre Robert Legoupil : Salut et Dilection.

 

Comme pour voir et entendre les comptes de la recepte et dépense qui a esté faicte par notre cher et bien aimé Jacques Cartier, notre pilote, au voyage par luy naguères faict par notre commandement es pays de Canada, et des deniers par luy reçus à cet effet, tant de nous que de feu nostre amé et féal cousin le Seigneur de Chasteaubriand, nous eussions par cy-devant commis et député aucuns commissaires nos officiers estans lez nous, et à la suite de nostre personne, lesquels pour les autres occupations et empeschements qu'ils ont en leurs charges et estats n'y auroient pu vacquer ni entendre ; au moyen de quoi, n'ont pu estre jusqu'icy les dits comptes vérifiés, ni la vérité de la dicte recepte et dépense du dict voïage congnue, ni entendue, au grand intérêt et préjudice de nous et du dict Cartier; lequel, à ceste cause, nous a très-humblement supplié et requis luy vouloir pourvoir d'autres commissaires à l'effet que dessus. Savoir faisons, que nous confiant pleinement en votre expérience, persévérance, de vos sens, intégrité, loyauté et bonne diligence vous avons commis, ordonné et député ; commettons, ordonnons, et députons pour, et au lieu des commissaires dessus dicts, assister avec quatre bons personnages, de savoir, loyauté et expérience au faict de dépense de la Marine, non suspects ni favorables, dont le dit Cartier et le sieur de Roberval conviendront par devant vous, dedans huictaine, après l'assignation de ce présent renvoy achevé; et à défaut d'en convenir et d'accorder par eux, en prendre de votre office de non suspects ni favorables à l'une ni à l'autre partie, et avec eux procédera l'audition et examen des comptes du dicts Cartier, appelé et présent le dict sieur de Roberval, lequel nous voulons y estre adjourné par le premier nostre huissier ou sergent requis, si besoin est intimation, qu'il y compare ou non, sera procédé par vous et les dicts commissaires à l'exécution de cette présente commission, ouir (entendre) aussi le différent d'entre le dit de Roberval et Cartier tant sur le fait de la dite recepte et dépense que autres par eux respectivement prétendues, pour après nous donner advis et aux gens de nostre conseil privé, tant sur la closture des dicts comptes et de ce dont le dit Cartier par la fin d'iceux nous pourrait estre redevable, que sur le jugement du dict différend d'entre le dit sieur de Roberval et Cartier, et le tout nous renvoyer féablement clos et scellé ou aux gens de nostre dict conseil, pour après et pourvoir ainsi que verront estre à foire : par raison de ce faire vous avons et aux dicts quatre commissaires qui seront par vous choisis et élus, comme dict est, donné et donnons pouvoir, auctorité, commission et mandement spécial, en déchargeant par ce moyen les quatre commissaires, par nous jà députés pour cet effet, de leur dicte commission par ces dites présentes.

 

Car tel est notre plaisir.

 

Donné à Evreux, le troisième jour d'Avril, l'an de grâce mil cinq cent quarante-trois, avant pasques et de notre règne le trentième (3 Avril 1543.)

 

Ainsi signé : Par le Roy, en son conseil : De Neufville, et scellé du grand scel de cire jaune à simple queue.

 

 

EXTRAIT de la vérification des susdits comptes faite par Estiennes Gravé, notaire à Saint-Malo, le 26 Novembre 1587.

 

Exposé des comptes, détails, prétentions de Jacques Cartier, demande, remboursement, etc., etc.

 

 

Collation faicte par nous Estienne Gravé et Jules Lesieu, notaires Royaux de la cour de Rennes, establis à Saint-Malo et à Chasteau-Neuf respectivement; sur les originaulx, nous apparu par Jacques Odieure, marchand demeurant au dict Saint-Malo, l'un des successeurs du dict feu capitaine Cartier, et outre, nous a le dict Odieure donné un compte escript sur papier signé: Jacques Cartier, contenant soixante-dix feuilles d'écriture, le commencement duquel, jusqu'au troisième feuillet verso, avons, seulement avec la déduction estant au dernier feuillet du dict compte, inséré de mot à mot comme en suit, et non, pas d'avantage à raison de la longueur du dict compte:

 

“Afin que par vous, Monsieur Maistre Robert Legoupil, Conseiller du Roy notre Sire, et Lieutenant en l’admiraulté à la Pierre de marbre de Rouen, Commissaire par le dict Seigneur, ordonné pour voir et ouir les comptes de la recepte, mise et despense que Jacques Cartier Capitaine et Pilote par autorite royale au voyage dernièrement faict par luy à la terre de Canada et autres lieux, ensemble ouir et entendre les différends d'entre le sieur de Roberval et le dict Cartier, appelés en votre compagnie quatre commissaires, selon et au désir de leur cominission, est prest à rendre et offre iceluy Cartier faire au désir d'ycelle commission et selon que le vouloir du dict Seigneur est, soit entendu pleinement et faict au moyen des dits comptes. Et premier dict iceluy Cartier et se charge avoir esté ordonné par le dict Seigneur pour l'exécution du dit voïage estre délivré à Jean François de La Rocque, sieur de Roberval et au Cartier, quarante cinq mille livres tournois pour employer et convertir aux choses nécessaires pour telles expéditions, plus à plein mentionnées par transaction verbale, articulées et spécifiées, faictes de la part du dict Seigneur par Maistre Guillaume Preud'homme, Monsieur le Général de Normandie et les dicts de la Rocque et Cartier à ceste présente attachée. Desquelles quarante cinq mille livres, "quinze mille demeurent entre les mains du de La Rocque, dont il se chargea, comme il appert par actes signés du de La Rocque et Charles de Kermarec, sieur du dict lieu, et le Cartier, en date du septième jour de may, l'an mil cinq cent quarante-un, faicte à Saint Malo, quels actes ensemble autres pièces, advenant le deny du dict de la Rocque, il nous plaira voir et permettre au dit Cartier, ses soubstenances et deffences comme veoirés par raison avoir affaire du reste de la dicte somme, qui est trente mille livres, faisant les deux tiers des quarante cinq mille livres, lesquelles trente mille livres délivrées au dict Cartier par les mains de maistre Jean Duval, monsieur le trésorier de l'espargne du dict Seigneur, de laquelle somme absolument se rend le dit Cartier comptable, et présentement offre par parcelles et articles faire apparoir si loyalement a esté à la dispartition d'iceux deniers procédé par luy, protestant iceluy Cartier de revue et estre ouy, au préalable répondre à ce que se trouveroit ambigu et doubteux à trouver, et promet, après la vive voix, par actes enseignements et instruments authentiques, suppliant et requérant quant à ce, iceux est revus, entendus et reçus, selon que droict et raison supposent le faict pour le dict Cartier, mesme es choses qui autrement ne peuvent estre entendues, desquels le dit Cartier se charge en prouve, recognoissance et probation si requise se trouve de plus ample ; plus se charge, le dict Cartier avoir reçu du dit sieur de Roberval la somme de treize cent cinquante livres tournois en six cents escus soleil, que le dict sieur de Roberval prit par emprunt de François Crosnier, bourgeois de Saint-Malo, lesquels furent employés en partie aux payements et mises du dict Cartier, et de laquelle somme le dict sieur de Roberval a depuis baillé respondant au dict Crosnier, Allouise Detiville, sieur de Sainct-Martin, et par ainsi, demeure le dit Cartier comptable de trente un mil trois cent cinquante livres.

 

Laquelle charge congnue reste ouyr et entendre au calcul de sa descharge, et icelle congnue l'équipoler à la dicte charge, et voir qui succombera ; mais avant de passer outre, reste sçavoir et pleinement prévoir l'intention du Roy, que à l'expédition du dict voïage doibvent par les dicts Roberval et Cartier estre fournis cinq navires, tant en chept pur de partie, que en nauléaige pour les autres, tous portant quatre cents tonneaux de charge, pour lesquels en général est ordonné huit mille cinq cent livres pour le tout des dicts a navires, pour l'accomplissement du dict voyage, comme il est à plein contenu en la dicte transaction verbale, convenue par le dict Seigneur par Maistre Guillaume Preud'homme et encore réiteré et spécifié par l'acquit du dict Duval ehors qu'il livra les dicts trente mille livres au dict Cartier, a faict et employé pour l'exécution de tout le dict voïage et ce, par l'exprès commandement qu'il apparoistra à suffire du dict sieur de Roberval, lieutenant pour le Roy au dict voïage ; dict, maintient et affirme le dict Cartier avoir employé loyalement et mieux que pour son propre affaire, huict mille cinq cents livres au payement et réparation, en pur achapt de partie des dicts navires et en la solde de fret et nauléaige pour les autres. Lesquels cinq navires, il a fournis et payés, luy seul, sur la dicte somme de trente un mille trois cent cinquante livres qu'il avait, portant de charge plus de cinquante tonneaux, outre le contenu en la dicte transaction verbale et ce que commandé estoit par le dict Seigneur pour l'exécution du dict voyage, quant ès dicts navires, le tout par le commandement du dict de Roberval comme apparoistra par lettres expresses et mandements de luy. A raison de quoy, supplie le dict Cartier la dicte somme de huit mille cinq cents livres lui estre adjugée, en déduction et rabais de la dicte somme de trente mille livres et dont il est chargé, attendu le devoir qu'il a faict, mesme que défaillant le dict argent du Roy, qu'il avoit admis son propre (argent) au hazard et à grosses adventures pour le service du dict Seigneur comme il vous apparoistra quand viendra au point du tiers navire, lequel ne put être payé selon que l'intention du dict Seigneur y estoit, mais pour le défaut de l'argent que le dict de Roberval avoit et debvoit rapporter de jour en jour pour faire ce que resteroit pour iceluy voïage, fut par iceluy Cartier contrainct de mener à ses grosses adventures à mesme droict de nauléaige les autres deux, comme il est à plein contenu au dict article, que le dict Cartier met à option et cheix de vous, Messieurs, estans pour le dict Seigneur à ce présent compte de luy déducer[37] la dicte somme à lui adjugée par la dicte transaction verbale pour les dicts cinq navires, qu'est huict mil cinq cents livres, à ce que adjoint, ce que le dict Cartier a fraié pour l'Esmérillon, et réparation d'iceluy qui estoit au Roy. De la réparation du quel vous apparoistra par enqueste, sur ce faicte par gens à ce crédibles qui se monte à la somme de mille livres, de quoy offre le dict Cartier faire ample approbation et se charge quant à ce, de preuve suffisante, ou bien prendre que la charge des dicts deux navires l'Ermine et l'Emérillon à quatre mil cinq cent livres; et en ce qui est du tiers navire, mettre pour dix-sept mois qu'il a esté au dict voïage du dict Cartier et pour huict mois qu'il a esté à retourner quérir le dict Roberval au dit Canada au péril de nauléaige que les autres deux: ce seront deux mil cinq cents livres; et pour les autres deux qui furent au dict voïage, six mois, a cent livres le mois sont: douze cent livres. Par ainsi, à ceste fin seront: huict mille deux cents livres, le dit tiers navire demeurant acquis et propre au dict Cartier en le retenant au Roy, retour faict à son taux avec la réparation du dict Emérillon se trouvera employé par le dict Cartier huict mil sept cents livres, que le dict Cartier supplie luy estre mis en déduction de la charge dont est comptable; qui est de trente un mil trois cent cinquante livres, et par ainsi déduisant huit mil sept cents livres ne restera que vingt deux mil six cent cinquante livres, dont est comptable le dict Cartier et ce y deduce et mis à valoir.

 

Ce présent compte a esté par nous Robert Legoupil, escuyer licencié es loix, Lieutenant Général, en la juridiction de l'Admiraulte à la Table de Marbre au Palais à Rouen de hault et puissant Seigneur, Monseigneur l'Admiral de France et Commissaire du Roy en cette partie, en la présence de Maistre Robert Lelarge, Pierre Garadas, advocat et Procureur du Roy, Jean Loue, Greffier de mon dict Seigneur l'admirai, Thomas Saldaigne, Alvara de Latour, François Maillard, et Jean Nourry par nous appelés, suyvant la commission à nous adressée et envoyée par le Roy; veu, ouy et procédé à l'examen, audition, gect et calcul d'iceluy, jouxte les codes apposés et escripts en la marge de ce dict compte et procès verbal par nous de ce faict et signé, et des susdits officiers et commissaires, appert, selon l'opinion et advis des dicts commissaires, par le gect et calcul qu'ils en ont faict, le dict Cartier auroit employé et fraié tant pour les navires, victuailles, souldes, marchandises, loyers, advances et autres frais par le dict Cartier jusqu'à la reddition de ce dict compte pour le faict et expédition du dict voïage, la somme de trente neuf mille neuf cent quatre vingt huict livres, quatre sols, six deniers tournois. Le dit Cartier se charge avoir reçu du Roy, nostre sire, pour l'expédition et entremise du dict voïage la somme de trente mille livres tournois par les mains de maistre Jean Duval, trésorier de l'espargne."

 

"Plus se charge avoir receu par les mains du dict de la Rocque sieur de Roberval six cents escus soleil, vaillants treize cens livres."

 

"Ainsi appert que, en allouant les dicts frais et mises, seroit deub au dict Cartier de reste de son dict compte pour l'entremise du dit voïage pour avoir plus mis et promis payer que receu, la somme de huict mille six cent trente huict livres quatre sols six deniers tournois aux réservations et conditions contenues es dicts codes et procès verbal. En tesmoign de ce, nous Lieutenant, Officiers et Commissaires sus nommés avons signé ce présent et faict sceller sur un lacet passé le travers de ce dict compte contenant soixante dix feuillets, du grand sceau de la dicte admirauté, le vingt-uniesme jour de Juin, l'an de grâce mil cinq cent quarante quatre (21 Juin 1544)."

 

"Ainsi signé: R. Legoupil, R. Lelarge, P. Caradas, Thomas Desaldaigne, Alvaro de la Tour,  F. Maillard, Jean Noury, T. Loue, et scellé du sceau de cire rouge pendant à lacs de soye traversant le dict compte."

 

Laquelle insertion cy-dessus de commencement du dict compte, et déduction d'iceluy, nous dicts Notaires avons aussi fidèlement collationné sur l'original, et contiennent les transumps des lettres et insertions y dessus quatorze feuillets d'escripture, sans comprendre cestuy prochain subséquent où nous apposerons nos signes et sont les dicts quatorze feuillets escrits de Sébastien Odieure frère du dict Jacques. Et sont les originaux des es lettres et comptes demeurés au dit Jacques Odieure et de son consentement le présent transumpt délivré au Capitaine Jacques Noël du dict Saint Malo, aussy l'un des successeurs du dict feu Cartier, ce requérant pour servir à luy et au dict Jacques Odieure et leurs consors ainsi que de raison. Faict au dict Saint-Malo chez le dict Estienne Gravé, le vingt sixième jour de novembre, an mil cinq cent quatre vingt sept avant midy. Et ont les dicts Jacques Odieure et Jacques Noël signé, tesmoing le sceau royal cy apposé ainsi signé: Jacques Noël, Jacques Odieure, E. Gravé notaire royal, Jn. Lesieu notaire royal et scellé.

 

 

Lettre patente d'Henri III en date de Paris du 29 Août 1575, nommant Etienne Chaton, Sieur de la Jaunaye, neveu de Cartier, Capitaine de navires aux gages de six cents livres par an.

 

Henry, par la grâce de Dieu, Roy de France et de Pologne, à tous ceux qui ces présentes lettres verront, Salut. Sçavoir faisons que nous, ayant égard et considération, aux bons et agréables services que notre cher et bien aimé Etienne Chaton, sieur de la Jaunaye de Sainct-Malo en Bretaigne a faicts sur la mer, depuis huict ans en ça, au feu Roy Charles, dernier décédé, notre très-cher Seigneur, et frère, mesme pendant le siège de la Rochelle, reprise de Belle Isle, que depuis à l'armement de six navires qui furent admis et mis en mer, au mois de mars dernier passé, par notre commandement et au dict Sainct-Malo, pour aller contre les Rochelois et autres ennemis de cette couronne, dans l'un desquels le dict de la Jaunaye commandait, lesquels firent prise de deux navires, en l'un desquels estoit Jean Abraham, secrétaire de notre cousin le Prince de Condé, chargé de plusieurs mémoires grandement préjudiciables au bien de nos affaires et au repos de nos subjects. Pour ces causes, et pour l'espérance que nous avons, qu'il continuera de bien en mieux à notre service, selon que les occasions s'en présenteront, à plein confiants, aussy, de sa fidélité, prudhommie, vaillance, expérience au faict de la Marine et diligence, avons le dict de la Jaunaye retenu et retenons par ces présentes en l'estat de Capitaine de nostre marine pour, par luy le dict estat avoir, tenir et doresnavent exerçer et en jouir et user aux honneurs, autorité, prérogatives, prééminences, franchises, libertés, droits, profits, revenus et émolument, qui y appartiennent et aux gaiges de six cents livres tournois par an tant qu'il nous plaira. Si donnons en mandement par ces mêmes présentes, à nostre cher et amé cousin le marquis de Villars, Admirai de France, ou à son lieutenant en l'admirauté que, du dict sieur de la Jaunaye pris et reçu le serment, en tel cas requis et accoustumé, iceluy mettent et instituent ou fassent mettre et instituer de par nous en

possession et saisine du dict état et d'iceluy, ensemble des honneurs, autorité, prérogative, prééminences, franchises, libertés, gaiges de six cents livres par chacun an, droits, profits, revenus, et esmoluments de susdicts, le faire, souffrir et laisser jouir et user pleinement et paisiblement, et à luy obéir et entendre de tous ceux ainsi qu'il appartiendra, es choses touchant et concernant le dict estât et charge.

 

Mandons en outre aux trésoriers de nostre Marine, et chacun d'eux en l'année de leur exercice, que au dict de la Jaunaye, ils payent, baillent et délivrent les dicts gaiges de six cents livres doresnavant par chacun an, selon et en suyvant les états qui leur en seront par nous faicts et qu'il est accoutumé en semblable.

 

Car tel est nostre plaisir.

 

En tesmoing de quoy, nous avons faict mettre notre scel à ces dictes présentes. Donné à Paris le vingt neuf-vième jour d'Aoust l'an de grâce mil cinq cent soixante et quinze et de notre règne le deuxième : signé sur le reply : Par le Roy: Brulart; et, scellé sur double queue de cire jaulne. Ainsi signé, collationné à l'original par moy notaire et secrétaire du Roy. Signé: Gourdon.

 

 

Note sur le dit Etienne Chaton, Sieur de la Jaunaye.

 

Au mois d'avril 1575, trois habitants de Saint-Malo: MM. Bertrand Lefer, Joan Le Breton et Etianne Chaton sieur de la Jaunaye sortirent de la rade de notre ville, avec six navires; ils étaient tons bien décidés à tirer une vengeance éclatante de la déloyauté des habitants de La Rochelle, qui s'étaient emparés de quelques-uns de nos vaisseaux contre la foi des traités.

 

Cette petite flotte se dirigea directement vers La Rochelle étant arrivée à portée elle se mit en devoir d'attaquer tous les bâtiments qui étaient à l'ancre; mais ayant été abordés de trop loin, dit un vieil auteur, an son des tambours et landeroles déployées, ces bâtiments eurent le temps d'aller s'échouer sur les vases, de façon, que nos gens ne remportèrent d'autre avantage de cette boutade, que d'emmener avec eux deux barques longues, qui n'avaient pas été aussi diligentes que les autres à effectuer leur retraite.

 

Après cet insuccès, l'escadrille Malouine se porta sur les côtes d'Espagne, que les rebelles infestaient déjà. Là une de nos frégates ne tarda pas à joindre un navire espagnol dévoué aux Rochellois et à leur parti, et le somma de se rendre. Celui ci en signe d'obéissance baissa aussitôt ses voiles, mais en même temps il jeta ses dépêches à la mer. Nos concitoyens ayant aperçu en cet instant une boîte de fer blanc qui surnageait, envoyèrent un esquif la prendre. On l'ouvrit, et l'on y trouva plusieurs lettres et mémoires, "grandement préjudiciables au bien des affaires du Roy et au repos de ses subjetz.” Les porteurs de ces pièces étaient un nommé Jean Abraham secrétaire du prince de Condé et un nommé Moissonnière. Ces deux individus furent amenés à Saint-Malo où ils furent quelque temps détenus, et d'où on les transféra ensuite a Paris, pour leur trancher la tête. Cet important service rendu à l'Etat valut au sieur Chaton de la Jaunaye, des lettres d'Henri III des plus flatteuses (voyez ci dessus), par lesquelles il le nomme: “l'un des capitaines de sa marine, aux gages de 600 livres par chacun an."

 

NOTE.—A une demi-lieue environ de Paramé, sur la route de Saint-Vincent, l'œil exercé de l'archéologue retrouve encore les derniers vestiges du vaste domaine de Limoilou, donné à Jacques Cartier par le roi François 1er, avec des lettres de noblesse et le titre de Sieur ou Seigneur. Ce domaine se compose de plusieurs fermes bien des fois reconstruites, il est vrai, depuis 1545, et n'offrant par là même aucun sujet d'études architecturales. Mais, en avançant vers le nord, la route de Saint-Vincent fait un détour et vous conduit devant une maison d'assez belle apparence, dont nous vous envoyons aujourd'hui le dessin. Ce manoir placé sur un plateau élevé, d'où la vue s'étend au loin sur les campagnes environnantes, était la demeure particulière de Jacques Cartier, en sa terre de Limoilou; pour s'en convaincre, on n'a qu'à regarder l'écusson placé à droite de la porte d'entrée. Ce pied-à-terre que le temps a respecté, comme par mégarde, conserve encore de nos jours le nom de: Portes-Cartier; le mot porte dans le vieux langage malouin voulant dire, maison de campagne.

 

Nous aurons l'honneur de mettre sous les yeux de la Société Historique et Littéraire de Québec dans notre prochain envoi, le plan intérieur des Portes-Cartier et de lui faire part de notre moisson archéologique, qui a été fort abondante à notre première visite au manoir du célèbre navigateur. Une fenêtre de la chambre du Sieur de Limoilou a particulièrement attiré notre attention; nous en avons proposé un bon prix au propriétaire M. Letarouilly, notaire à Fougères, et, si nous réussissons dans notre négociation, nous nous empresserons d'en faire dessiner les vitraux fort curieux, et de vous en envoyer les épreuves. Ces vitraux, autant que nous avons pu rapidement en juger, représentent des sujets allégoriques, et trois saints:

St. Bertrand, St. Julien et St. Thomas.

 

C. DESMAZIERES DE SECHELLES,

 

De la Société générale des gens de lettres de Paris, Membre de plusieurs Sociétés savantes, Rédacteur de l'Union des deux Tilles.

 

St. Malo, 1er Mars 1861

Hotel Dupuy Fromy, rue de Chartres, No. 11.

 

 

APPENDICE

 

À LA

 

GENÉOLOGIE DE JACQUES CARTIER,

 

PAR

 

M.C.DEMAZIÈRES DE SÉCHELLES.

 

ENVOI DU 1ER MAI 1861,

 

SOMMAIRE

Acte de Naissance, du Père de Jacques Cartier—de son Oncle—de sa Tante—Acte de naissance de Jacques Cartier—des neveux et des nièces dont il fut le parrain —Acte de mariage de Jacques Cartier—Notes et commentaires.

 

NOTE.—C'est avec un vif regret, que je me vois privé du plaisir de mettre sous les yeux de l'honorable Société Historique et Littéraire de Québec, tous les documents qui m'ont servi à dresser la généalogie de Jacques Cartier, que j'ai eu l'honneur de lui faire parvenir dans mon dernier envoi du mois de Mars. Mais comme tous ces nombreux documents appartiennent, soit à la Municipalité de Saint-Malo, soit à divers particuliers qui y attachent le plus grand prix, je me suis borné à prendre copie des actes les plus intéressants de la vie intime de mon illustre compatriote, et à les accompagner de quelques explications pour en faciliter l'intelligence, étant largement compense de mes peines par l'intérêt avec lequel l'honorable Société accueille mes faibles travaux.

 

C. DEMAZIÈRES DE SECHELLES

St. Malo, 1er Mai 1861.

Hotel Dupuy Fromy, rue de Chartres No. 11

 

 

4 Décembre 1458

“Die quartâ mensis decembris baptizatus

exitit Cartier quem levârunt de sacro fonte

Stephanus Baudoin compter principalis et

Petrus Vivien et Catharina Frete Minores,

(compatrones et commatrones).”

Yugues Guerrier fecit.

 

 

NOTRE EXPLICATIVE.

 

Nous, croyons avec quelque raison que cet acte de naissance n'est autre que celui du père de Jacques Cartier. Mais il est si mal fait et si incomplet (comme tous ceux de cette époque), que nous n'osons pas affirmer d'une manière certaine notre proposition. Il n'indique, en effet, ni le nom propre donné à l'enfant, ni celui du père, ni celui de la mère. Mais il est une science qui ne fait jamais défaut à l'historien, lorsque toutes les, autres viennent à lui manquer dans ses recherches. Cette science c'est celle des dates, et l'on doit toujours y avoir recours en pareil cas. Or, d'après un acte conservé aux archives delà Municipalité de Saint-Malo, il appert : “qu'un certain Jean Cartier épousa en 1428 Guillemette Baudoin, de laquelle il eut cinq enfants, dont Vaine : Jacobus, Jacques ou Jamet, naquit Le 4 décembre 1458 et fut père de l’illustre navigateur."

 

(Voir pour mieux comprendre la généalogie envoyée au mois de Mars dernier).

 

“Die vigesimâ scxtâ Februarii, anno quo

suprà, baptizatus fuit Johannes Cartier

filius Johannis Cartier et Guillemette Baudoin ejus

uxoris, quem levaverunt de sacro fonte

Johannes Vivien principalis compater, et

JACOBUS CARTIER et Johanna Vivien, fîlia prasi Vivien, minores.”

 

Nous marchons rapidement de découvertes en découvertes. Dans la note précédente, nous venons de voir en Van de grâce 1428 un Jean Cartier, épouser une Guillemette Baudoin, en avoir cinq enfants, dont l'aîné est né en 1458, le 4 décembre. Voici maintenant l'acte de naissance du second fils. Cet acte est un peu mieux fait que le précédent ; il nous indique au moins, (comme nous le savions déjà au reste par l'acte de la Municipalité de Saint-Malo), le nom du père et celui de la mère. Mais il ajoute celui du fils Jean, et nous indique même le nom du parrain, qui n'est autre que le frère aîné Jacques (Jacobus), père du célèbre navigateur. Ce Jacobus Cartier, parrain de son frère Jean n'avait alors que 1 ans, étant né en 1458, et le jeune enfant venant au monde le 26 février 1465.

 

 

2 Juillet, 1473

“Baptizata fuit Thomassia Cartier filia Johannis Cartier et Guillemette Baudoin ejus uxoris quam levârunt de sacro fonte Thomassia Joliff principalis commater, et Guillemus Pourmerel et Guillemeta Vivien minores.”

 

P.G. Groupil fecit.

 

 

NOTRE EXPLICATIVE

 

Nous avons dit que Jacques Cartier et Guillemette Baudoin, mariés en 1428, avaient 5 enfants.

 

Ces cinq enfants furent :

 

1°. Jacobus, Jacques ou Jamet Cartier père de Jacques Cartier.

2°. Johannes (Jean), né comme nous venons de le voir, le 26 février 1465.

3° . Stephanus (Etienne)

4° . Petrus (Pierre)

5° . Thomassia (Thomasse), dont vous voyez ci-dessus l'acte de naissance, et qui était par conséquent tante de l'illustre navigateur.

 

 

Acte de naissance de Jacques Cartier, découvreur du Canada, navigateur à jamais célèbre.

Saint-Malo, 31 Décembre 1494.

 

Le XXXI jour de Décembre fut baptize un fils à Jamet Quartier et Geseline Jansart, sa femme, e,t fut nommé par Guillaume Maingari principal compère, et petit compère Raoullet (Raoul) Perdriel.

 

 

NOTE EXPLICATIVE.

 

C'est ici surtout, qu'il faut déplorer la manière dont étaient tenus à cette époque les registres des actes de baptême, et surtout la manière dont ces actes étaient rédigés. Longtemps, la naissance de Jacques Cartier n'a pu être précisée d'une manière exacte ; ce n'est que depuis une cinquantaine d'années environ, que les plus minutieuses recherches ont eu pour résultat de produire l'acte que je mentionne ici, et dont la date s'harmonise exactement avec celle des principaux événements de la vie du grand navigateur. Cet acte de naissance ne nous dit même pas le nom de l’enfant; il faut que nous ayons recours à une conclusion subsidiaire pour le trouver. Or, sachant qu'autrefois c'était l'usage, je dirai plus, une sorte de coutume à laquelle personne ne dérogeait, de donner au fils le nom du père, je conclus naturellement, que l'enfant sus-mentionné se nommait Jacques, était fils de Jamet (Jacques, Jacobus) Quartier ou Cartier et de Geseline Jansart mariés à Saint-Malo, le 4 décembre 1458.

 

Plus je revois les dates, et plus je suis convaincu que cet acte de naissance est bien celui du découvreur du Canada.

 

Voyez: le 4 décembre 1458, Jamet Cartier épouse Geseline Jansart. Il en eut trois enfants:

 

Jehanne Cartier, née à Saint-Malo en 14… bien plus âgée que son frère, puisque mariée à Jean Nouel ou Noël, elle en a un fils (Pierre), qui vient au monde le 13 avril 1506.

 

Jacques Cartier, né à Saint-Malo le 31 décembre 1494.

 

Berthéline Cartier, née à Saint-Malo le 13 octobre 1500.

 

Cet acte de naissance concorde en outre exactement, comme nous venons de le dire, avec toutes les dates des principaux événements de la vie du grand navigateur. Ainsi:

 

31 décembre 1494, naissance de Jacques Cartier—13 septembre 1518, est parrain de sa petite cousine Perrine Cartier, fille de Jean Cartier et de Julienne Lemouenne—2 mai 1519, épouse Catherine Des Granges, fille du Connétable de Saint-Malo—20 avril 1534, date de la première expédition maritime—5 septembre 1534, retour à Saint-Malo— 30 octobre 1534, commission donnée à Cartier au nom de François 1er par Philippe de Chabot, grand amiral—19 mai 1535, depart de la seconde expédition—16 juillet 1536, retour a Saint-Malo—25 mars 1538, Cartier fait baptiser dans la cathédrale de Saint-Malo trois sauvages qu'il avait ramenés de ses voyages—23 mai 1540, date de la 3e. expédition—7 octobre 1540, nouvelle commission donnée à Cartier pour autoriser l'expédition déjà entreprise —20 décembre 1548, est parrain de Jacques Odieupre.... 1549, reçoit des lettres de noblesse et le titre de sieur ou seigneur de Limoilou—5 février 1550, est parrain de Jacques Noël ou Nouël.

 

 

2 May, 1519.

"Reçurent la bénédiction nuptiale Jacques Cartier, maistre pillote es port de Sainct-Malo, fils de Jamet Cartier et de Geseline Jansart, et Marie Katerine Des Granohes fille de Messire Honoré Des Grandies, chevalier du Roy nostre Sire et connestable de la ville et cyté de Sainct-Malo et de"

 

NOTRE EXPLICATIVE

 

Il fallait que les mérites du jeune maistre pillote fussent incontestables, pour que Messire Honoré des Granges connétable de la ville de Saint Malo, donnât sa fille (Katerine) à notre héros, alors âgé de vingt-cinq ans. La réputation de Jacques Cartier était donc déjà établie, même avant ses glorieuses expéditions, son mariage brillant en est la meilleure preuve, car la charge de connétable était la première de la ville. Hélas! pourquoi cette union contractée sous de si heureux auspices ne fut-elle pas prospère? pourquoi l'illustre navigateur ne put-il léguer sa gloire et son nom à jamais célèbre, à aucun héritier direct?....(Voir la dernière note). Cet acte de mariage, dont je dois la communication au secrétaire de la mairie de Saint-Malo, m'était complètement inconnu jusqu'à ce jour, et me force à rectifier une petite erreur de date, commise involontairement dans la généalogie que j'ai eu l'honneur de vous soumettre. M'appuyant sur plusieurs documents et sur différents registres de la mairie, qui indiuaient l’année 1527 comme étant celle du mariage de Jacques Cartier, je ne fis aucune difficulté d'ajouter foi à cette date; mais l'acte que je produis aujourd'hui, étant daté du 2 mai 1519, m'oblige a faire remonter à huit ans plus tôt la célébration du mariage de notre héros. C'est donc le 2 mai l519, que Jacques Cartier a épousé Katherine Des Oranges, et non en 1527, comme je l'ai malencontreusement écrit dans ma dernière généalogie.

 

 

 

15 Avril, 1506.

 

“fust baptize un fils à Jean Noucl et Jehanne Cartier sa femme, nommé fust Pierre par Pierre Hancelin. Petit compère: Anthoine Pièdres, et commère Guillemette Boquet. Baptizé par Dom. Estienne Rouxel.”

J. CROSNIER fecit.

 

NOTE EXPLICATIVE.

 

Cet acte de naissance, qui n'est autre que celui de Pierre Noüel ou Noël, neveu du célèbre navigateur, est la première preuve d'affinité que l'on puisse trouver, entre la famille Noël et la famille Cartier, contractée en 14.. par le mariage de Jean Nouël et de Jehanne Cartier, sœur aînée de notre héros. (Voir la généalogie).

 

 

 

13 Septembre, 1518.

 

“Le treiziesme jour dudict moys de septembre fut baptizée Perrine Cartier, fille de Jehan Cartier et de Julienne Lemouenne sa femme, par Maistre Lancelot Buffier Vicaire. Et fut compère Jacques Cartier et grande commère Bertranne Lejuiff, et petite commère Gesseline Porçon.

 

NOTE EXPLICATIVE.

 

Et fut compère, dit l'acte: Jacques Cartier. C'est du célèbre navigateur dont il est ici question. Il avait alors vingt-quatre ans (1518), et, quoique ayant déjà navigué, n'avait point encore entrepris les glorieuses expéditions qui devaient un jour éterniser son nom et sa mémoire, l'était un grand honneur chez nos pères de tenir un enfant sur les fonts du baptême, et nous pouvons juger, par le nombre de nièces, de neveux et de cousins que nomma Cartier, du rang et de l'importance qu'il avait alors dansa propre famille.

 

 

20 Décembre 1548.

 

“Le lundy vingtiesme jour du dipt moys de décembre, fut baptize ung filz à Michel Odieupre et Perrine Jalobert, dont fut grand compère le capitaine Jacques Cartier et Antoine de Sainct-Cire petit compère. Et commère Gugonne de Sainct-Cire, et fut nommé Jacques par vénérable et discrète personne maistre Lancelot Buffier Vicaire Cure.”

O. REHAULT fecit.

 

NOTE EXPLICATIVE.

 

Le temps a marché. Il n'est plus ce jeune matelot de vingt-quatre ans, qui profitait joyeusement du temps où il était à terre pour nommer ses neveux et ses nièces; c'est maintenant un intrépide et infatigable navigateur que ce capitaine Jacques Cartier. Si ses cheveux ont blanchi, si son front s'est ridé, ce héros de cinquante-quatre ans n'en a pas moins conservé une pureté de sentiments, un enthousiasme primitif pour le bien, un saint culte de la famille de la patrie, qualités morales qui constituent pour l'homme la veritable jeunesse, celle du cœur, indépendante de la fortune et des années, et celle qui fut toujours fidèle à Jacques Cartier. Après avoir bravé pendant de longues années tous les dangers dont peut à bon droit s'effrayer l'humanité, après s être frayé à travers mille obstacles un chemin sur les mers, pour soumettre à son prince un monde inconnu, Cartier, comme un simple pilote, revient avec joie se reposer au foyer de ses pères, embellir sa petite terre de Limoilou près de Saint-Malo, et, comme autrefois, donner son nom aux frères de ses neveux et de ses nièces. La gloire, allez-vous dire, lui a donc été inconnue?—Patience. C'est sur le bord de la tombe que la déesse l'attend.

 

 

5 Février, 1550.

 

“Le jeudy, cinquiesme jour de feubvrier, fut baptize ung filz en l'église cathédrale de Saint-Malo, à Jacques Nouel et à Bobine Hervé sa femme, par Dom Ollivier Lemarque substitut de vénérable et discrète personne Maistre Lancelot Buffier chanoine et vicaire-curé de la dicte église, et nommé fust par noble homme Jacques Cartier, Jacques, et petit compère Jehan Guéridien, pour commère Perrine Gaulthier. En présence de Etienne Nouel, Mery Rouxel et du soubsigné notaire, le dict jour et an.

Signé: JACQUES CARTIER et F. TREHOUAUT.

 

NOTE EXPLICATIVE.

 

Cet acte a échappé jusqu'ici à tous les auteurs qui ont écrit sur Jacques Cartier. Il est, selon nous, de la plus grande importance, parce qu'il nous permet de préciser à peu près l’époque à laquelle le célèbre navigateur reçut ses lettres de noblesse, avec le titre de sieur ou de seigneur de Limoilou. Tout me porte à croire que ce fut en 1549. Et voici les raisons sur lesquelles j'appuie mon opinion.

 

C'est qu'avant cette année (1549), jamais on ne voit le nom de Jacques Cartier accompagné d'un titre autre que celui de capitaine. Ainsi l'acte précédent,, daté du 20 Décembre 1548, ne porte que ces mots: dont fut grand compère le capitaine Jacques Cartier, sans faire mention d'aucun autre titre.

 

Mais, dès le 29 novembre 1549, un titre du chapitre de Saint-Malo s'exprime ainsi: Jacques Cartier sieur de Limoilou, présent en nos murs, etc. Cette phrase: présent en nos murs, prouve qu'à cette époque déjà, Jacques Cartier n'habitait plus régulièrement Saint-Malo, que sa résidence habituelle était sa terre de Limoilou, et qu'il ne venait avec sa femme Catherine Desgranges que rarement en ville, bien qu'il y possédât une maison et un jardin situés près de l’hôpital Saint-Thomas.

 

L'acte de naissance ci-dessus vient encore corroborer mon opinion. Il porte la date du 5 février 1550, et ne laisse aucun doute sur la qualité de notre héros: noble homme Jacques Cartier-dit-il. Ce fut donc bien certainement en 1549 que Jacques Cartier fut anobli.

 

 

DERNIÈRE NOTE.

 

En terminant notre petit travail, bien incomplet sans doute, mais sur lequel nous reviendrons dans quelque temps, nous nous sommes posé les deux questions suivantes: Jacques Cartier a-t-il eu des enfants ? Puis: Quelle fut l'année de sa mort?

 

Examinons d'abord la première de ces questions.

 

Le digne et savant Abbé Manet, dans sa Biographie des Malouins célèbres, s'exprime ainsi à ce sujet:Le plusancien officier de marque que nous citerons, depuis la fin du quinzième siècle, dit-il, est le fameux Jacques Cartier, ce hardi navigateur dont la postérité s'est éteinte parmi nous le 9 janvier 1665, dans la personne d"Hervée Cartier, mais dont la gloire ne s'éteindra jamais.”[38]

 

Or, de tous les auteurs qui ont écrit sur le célèbre navigateur, Mr. Manet est le seul qui parle de la postérité de Jacques Cartier. Un écrivain moderne, M. Cunat, dément formellement au contraire cette opinion; voici de quelle manière il s'explique. Après avoir parlé du brillant mariage de Cartier, il ajoute: Mais de cette union, si heureuse sous bien des rapports, il ne devait naître aucun enfant, et Jacques Cartier eut le regret de n'avoir pour porter le nom qu'il illustra, que des collatéraux[39].

 

Voilà qui est sans réplique. J'ajouterai qu'en dressant la généalogie de l'illustre navigateur, j'ai vainement cherché sous toutes les formes possibles l'acte de décès de la dite ou du dit Hervée Cartier à la date du 9 janvier 1665, et que je n'ai absolument rien trouvé de semblable. Mais ceci ne peut servir de preuve, car l'Abbé Manet possédait peut-être des documents qui me sont entièrement inconnus. La tradition, cette science supérieure à toute histoire humaine quelque complète qu'elle soit, condamne également l'opinion du savant abbe. Sans aller si loin cependant, et, en ayant recours aux dates, nous allons pouvoir acquérir la certitude; ou que Jacques Cartier n'avait pas d'enfants, ou qu'ils moururent en bas âge.

 

Nous voyons en effet, dans nos archives municipales, sous la date du 14 Janvier 1588, des lettres de Henri III; en vertu des quelles, pour reconnoistre les services rendus à l’Etat par Jacques Cartier, leur oncle, sa majesté daigna accorder aux sieurs Chatton de la Jaunais et Jacques Noüel cappitaines de navires et maistres pillotes de Saint-Malo, le commerce exclusif du Canada pendant deux ans dans ce pays, et pour l’exploitation des mines découvertes ou à découvrir le droit d'y transporter chaque année soixante criminels, tant hommes que femmes.[40]

 

Or, Jacques Cartier né le 31 décembre 1494, avait cinquante-six ans en 1550, en le faisant mourir en 1555, c'est à dire à l'âge de soixante et un ans, (ce qui est de bonne heure); nous atteignons donc Vannée 1555. Et les lettres d'Henri III sont données à ses neveux Olivier Chatton et Jacques Noüel en 1588, c'est à dire 33 ans après l’année où nous supposons que Cartier mourut. Si Cartier avait eu des enfants, comment supposer qu'Henri III ne les eût pas récompensés de préférence à ses neveux, puisqu'il voulait reconnaître les services rendus à l’état par le célèbre navigateur, en la personne de ses descendants? Comment croire en outre qu'une génération entière puisse s'éteindre dans une période d'à peine trente-trois années? Je conclus donc, avec M. Cunat et plusieurs autres auteurs contemporains: ou que Jacques Cartier n'eut pas d'enfants, ou qu’ils moururent en bas âge.

 

J'arrive maintenant à la seconde question:

 

Quelle fut Vannée de la mort de Jacques Cartier, et où a-t-il passé de vie à trépas?

 

Le dernier acte authentique de l'illustre navigateur est celui que nous offrons à la Société ; c'est-à-dire l’acte de baptême du fils de Jacques Noël et de Robine Hervé, dans lequel Jacques Cartier figure comme parrain, avec ses titres: et nommé fust par noble homme Jacques Cartier. Cet acte porte la date du 5 février 1550. Depuis cette époque nous ne trouvons dans nos archives aucune preuve de la présence du célèbre navigateur en nos murs. C'est ce qu'exprime parfaitement encore M. Manet, lorsqu'il dit: Du reste, on ne sait si ce fut dans sa Ville natale que Cartier finit ses jours. Ce qu'il y a de certain, c'est que nos registres ne font aucune mention de sa mort.

 

Je le crois sans peine, car, suivant certains indices, il ne mourut point à Saint-Malo, mais en sa terre de Limoilou: ce qui est fort probable. En effet n'avons-nous pas vu qu'il avait fixé sa demeure dans cette terre seigneuriale et, qu'il ne venait qu'accidentellement à Saint-Malo? (Voir pages précédentes). S'il est mort dans son manoir de Limoilou, l'acte de décès aura été levé, soit par un chapelain particulier attaché à sa personne ou à sa demeure, ou bien par un prêtre appelé à la hâte de la petite paroisse de Saint-Coulomb.[41] (1)

 

Telle est l'opinion qui m'a semblé la plus probable.

 

C'est en ce sens que j'ai fait plusieurs voyages à Saint-Coulomb, pour interroger le pasteur actuel sur l'état des registres de cette paroisse. Il m'a conduit à un jeune homme, chargé de l'éducation des enfants de cette commune et gardien des petites archives du village. Ce jeune homme s'est empressé de se rendre à mes désirs, et m'a communiqué un ancien manuscrit en parchemin, fort difficile à lire, contenant une liste des plus bizarres et des plus incomplètes des deux mille premiers décès de la paroisse, depuis sa fondation. Je n'ai encore rien découvert dans ce registre relativement à Jacques Cartier, mais j'ai l'espoir d'y trouver l'acte de son décès, jusqu'à ce jour complètement inconnu, et, si mes recherches et mes travaux sont couronnés de succès, d'en faire part immédiatement à la Société Historique et Littéraire du Canada, avant de les envoyer à d'autres revues.

 

C. DESMAZIÈRES DE SÉCHELLES.

St. Malo 1er Mai 1861.

 

           

ARRÊT de la cour de Saint-Malo, en date à Saint-Malo du 18 mars 1533, portant défense expresse à tous les armateurs de cette ville, de faire sortir du port aucun navires pour Terre-Neuve, avant que ceux de Jacques Cartier ne soient équipés et pourvus de maistres mariniers et compagnons de mer.

 

"Sur la remontrance, complainte et doléance faite à cette cour, de Maistre Jacques Cartier, Capitaine et Pilote pour le Roy, ayant charge de voyager et aller aux Terres-Neuves, avec deux navires équipés de soixante compagnons pour l'an présent: que, combien que lui avait été délivrée partie des dits navires pour faire la dite navigation, laquelle ne se peut faire sans avoir des mariniers et compagnons de mer, lesquels ne peut trouver pour être pris et loués pour faire la dite navigation, étant l'empêchement que lui ont donné et donnent journellement aucuns, tachants empêcher la dite navigation, contrevenant au plaisir et vouloir du. Roy nostre souverain Seigneur, et plusieurs bourgeois et marchands de cette ville tachant à emmener et conduire plusieurs navires de cette dite ville aux dites parties de Terre-Neuve pour leur profit particulier, demandant et requérant pour cela, être sommairement pourvu de remède de justice convenable.

 

"Pourquoy, après avoir été de ce que dessus sommairement informé, a été et est donné pouvoir et autorité commission et mandement spécial aux sergents généraux de cette dite cour, et à chacun, de faire à l'instance et requête du dit Cartier, et au dit nom de l'autorité de la dite cour, arrêt sur tous et chacun des navires des port et havre et de toute la jurision, avec prohiber et défendre à tous et chacun des bourgeois et maîtres de navires, de non les faire déplacer de ce dit port et havre de cette ville, des lieux de là où ils sont, et de non les faire voïager jusques à ce que tout premier les dits deux navires du dit Cartier et du dit nom soient duemcnt équipés de maîtres mariniers et compagnons de mer, eu suivant le bon plaisir et vouloir du dit seigneur."

 

"Fait par la cour de Saint-Malo, le XXVIIIe jour de mars l'an quinze cent trente-trois, et baillé pour faire savoir aux personnes dont particulièrement serez requis de la part du dit Cartier, et aussi si mestier est, à son de trompe et cri public par cette dite ville par les carrefours accoutumés à faire exploits, cannies et cris publics."

 

 

Copie textuelle de l’ordonnance délivrée par le roi François 1er., au Sénéchal de Rennes, en date au château de Fontainebleau du 12 décembre 1540, par laquelle, le roi requiert information sur les obstacles qui ont retardé Jacques Cartier de lever le nombre de pilotes et autres maistres expérimentés, nécessaire pour son expédition aux terres de Canada, Hochelaga et Saguenay.

 

 

FRANÇOIS par la grâce de Dieu, Roy de France, au Sénéchal de Rennes ou son lieutenant et alloué du dit lieu: Salut et dilection.

 

“Notre très-cher et bien amé Jacques Cartier, Capitaine Général et Maistre Pillote de tous les navires et autres vaisseaux de mer que nous voulons envoyer es terre de Canada, Hochelaga, jusqu'en Saguenay, faisant un des bouts de l'Asie, du côté du nord, nous a fait dire et, remontrer que pour l'expédition de la dite enterprise, lui est besoin et nécessaire recouvrer grand nombre de pilotes mariniers et autres maîtres dûment expérimentés au fait de navigation, pour la conduite des dits navires. A laquelle fin, il a voulu convenir et accorder avec plusieur experts du dit état et marine; lesquels ont été, par aucuns de nos sujets, tant de la ville de Saint-Malo que autres villes, ports, et havres du duché de Bretagne, dissuadés d'entreprendre le dit voïage, requérant le dit Cartier sur ce notre provision à ce convenable. Pour ( ce est il, que nous, ce considéré, nous mandons et commettons par ces présentes, et chacun de vous sur ce requis, que informiez diligemment sur les dits empêchements, pour la dite information faite et rapportée par devant notre Conseil Privé, être ordonné ce que de raison."

 

“Donné à Fontaine-belle-eau (Fontainebleau)le douzième jour de décembre de l'an quinze cent quarante, et de notre règne le vingt-sixième.”

 

“Ainsy signé par le Roy en son conseil: Delà Chesnaye, et scellé du scel de cire jaune."

 

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[1] On ne peut guère douter, d'après ce passage, que Cartier ne fût la personne chargée de cette mission; c'était par le commandement de François 1er qu'il faisait ce 4me voyage, son expérience dans les deux voyages précédents le qualifiant pour ces expéditions plus’que toute autre personne.

 

Du printemps de 1543 à la fin de cette année-là, Cartier a pu faire le voyage avec le navire qui a été employé pondant huit mois.

 

[2] Quoique l'acte soit en effet bien court, il est cependant plus long et plus complet qu'on ne le donne à entendre ici. Le voici en entier, d'après M. Ch. Cunat:“Anno 1458, die:quartet, mensis decembris, baptisatus extitit Cartier, quem levarunt de sacro fonte Stephanus Beaudoin computer, principalis et Petrus Vivien et Catherina Frete minores."     

 

[3] M. Manet affirme que Olivier Du Breuil et Jacques Maingard étaient de la première expédition, sans dire, sur quoi il s'appuie. Ce qui l'aura trompé sans doute, c'est le commencement de l'année au terme paschal.

 

[4] L'auteur a voulu dire six lieues.

 

[5] Aujourd'hui Funk Island.

 

[6] Aujourd'hui Baie des Rochers, Rocky Bay, sur la côte du Labrador.

 

[7] Cette dernière orthographe est mauvaise. Cartier dit: “Où était un gros cap double l’un dessus l’autre, et à cette occasion l’appdasmes cap Double.              

 

[8] Mémoires de Jacques Cartier.

 

[9] Il l'avait découvert l'année, précédente. Voyez premier voyage, ch. XXII.

 

[10] Aujourd'hui la baie Sainte-Geneviève.

 

[11] Ce n'est pas Jacques Cartier qui l'a appelée Saint-Charles; ce sont les Récollets, plus tard.

 

[12] Cartier dit "le lendemain''; mais c'était le lendemain du 7, et non le lendemain du 14, comme on le donne à entendre ici. Voyez 2nd voyage, ch. III,

 

[13] La preuve qu'il y avait encore bien d'autres personnes qui étaient du voyage, c'est que Cartier, en quittant le Gallion au lac Saint-Pierre pour prendre les barques, prit avec lui partie des gentilshommes, savoir: “Claude du Pont Briand, Charles delà Pommeraye, Jean Goyon, Jean Poulet, et 28 maryniers, y compris Macé Jallobert et Guill. Le Breton,”ce qui faisait 33, avec Cartier.

[14] Dans la relation de Cartier, il n'est pas plus question dé La Godelle que de La Goyelle.

 

[15] Voyez plus haut Note lre

 

[16] Cartier dit : "Le lendemain au plus matin." ch. VIII.

 

[17] Ce n’est pas le village, mais la montagne qu’il nomma Mont-Royal. "Nous nommasmes icelle montagne Mont-Royal."

 

[18] Cartier dit tout simplement : "Domagaya (celui-là même qui avait été guéri) envoya deux femmes avec notre capitaine pour en quérir, lesquels en apportèrent neuf ou dix rameaux." C’est qu’en effet Domagaya lui dit qu’il s’était guéri "avec le jus des feuilles de cet arbre. "

 

[19]Cartier ne dit pas précisément qu’il prit cette résolution le 21 d’avril : "Le lendemain, dit-il, (c’est à dire le 22 d’avril) arriva le Donnacona, lequel amena en sa compagnie grand nombre de gens du dit Stadaconé, ne savions à quelle occasion, ni pourquoi. Mais comme on dit : qui de tous se garde et d’aucuns eschappe. Ce qui nous estoit de nécessité : car nous estions si affaiblis, qu’il nous a fallu laisser un de nos navires a dit lien de Sainte-Crois. " (Ch. XIX.)

 

[20] Champlain ne dit pas que Cartier essaya de dégoûter du Canada François I., il ne fait que constater le découragement de ce grand capitaine, auquel découragement il attribue tout naturellement l'abandon des projets d'établissement en Canada. Voyez Champlain, éd. 1632, pp. 11,12.-

 

[21] Les Sauvages leur avaient donné à entendre que le Saguenay renfermait or, rubis, etc., 2d voy. ch. XIX.

 

[22] Il paraît singulier qu'un lieutenant de Roy aux pays de Canada, Hochelaga et Saguenay, ait demandé la permission de suivre son maître pilote, ou capitaine-général.

 

[23] Cette date correspond au 25 janvier 1541, par ce que l'on no commençait l'année qu'à Pâque, et que le calendrier était en arrière de 10 jours.

 

[24] C'était tout simplement une espèce de rassades faite avec certains coquillages, que leur trafiquaient les Andastes et les autres sauvages du sud.

 

[25] La rivière du Cap Rouge ce qui est bien différent.

 

[26] La paroisse actuelle de Charlesbourg ne correspond pas au même lieu.

 

[27] L'autenr veut parler probablement du Saut Saint-Louis.

 

[28] La relation de Cartier ne mentionne point le mécontentement de ses gens, non plus que la relation du voyage de Roberval. Dans cette dernière, il est dit seulement: "Qu'il n'avait pu avec sa petite bande résister aux sauvages, qui rôdaient journellement et l'incommodaient fort, et que c'était là la cause qui le portait â revenir en France." Voy. de Roberval, ch, I.

 

[29] Les comptes présentés par Cartier à la suite de cette expédition disent bien que les vaisseaux ont été à ses frais 17 mois, mais il n'est pas probable que Cartier, parti de Terre-Neuve au mois de juin, aît été jusqu'au mois d'octobre sans toucher les eûtes de la Bretagne.

 

[30] Ce fait est contredit positivement par M. de Roberval lui-même. Voyage de Rob. ch. I. Les registres de Saint-Malo prouvent d'ailleurs que Cartier était de retour en Bretagne le 21 d'octobre 1542, puisqu'il y est parrain d'une fille du Sieur de la Péraudière.

 

[31] Si le pilote Jean Alphonse rendit compte de ses découvertes à Cartier, ce ne put être que dans un quatrième voyage que celui-ci aurait fait dans l'été de 1543, ou après son retour en Bretagne.

 

[32] Ceci se rapporte au voyage de 1542-3.

 

[33] II faudrait dire depuis la dernière expédition dont nous avons parlé.

 

[34] Quand même on pourrait établir que Cartier a fait acte de présence à Saint-Malo, tous les ans depuis son troisième voyage jusqu'à sa mort, cela ne prouverait pas absolument qu'il ne fit plus de voyage au Canada: le vaisseau qui vint chercher M. de Roberval, et qu'il commandait probablement lui-même, ne fut que huit mois à ce voyage.

 

[35] Cependant, d'après M. Cunat, un acte du 15 octobre 1552 atteste encore la présence et l'existence de “Noble homme Jacques Cartier à Saint-Malo."

 

[36] Voir les notes que nous avons déjà envoyées à la Société, sur ces sauvages amenés à Saint-Malo par Jacques Cartier et baptisés dans notre église cathédrale.

 

[37] Déduire

 

[38] Biographie des Malouins Célèbres. Hommes de mer et de guerre, p. 40.—St. Malo—Eotier, Imprimeur, 1824.

 

[39] St. Malo illustré par ses Marins p. 60. Rennes 1857.

 

[40] Archives de la Mairie de Saint-Malo. Carton Cartier, No. 7.

 

[41] Saint Coulomb village de 1500 âmes à deux lieues de Saint-Malo, sur la route de Cancale, d'une origine fort ancienne, puisque vers 1026, suivant certains titres originaux, Seigneur Bertrand du Guesclin acheta la souveraineté de Saint Coulomb.

 

La terre de Limoilou, érigée en seigneurie par François 1er, pour le célèbre navigateur, était depuis fort longtemps déjà dans la famille Cartier. Car le savant Ogée écrit dans son remarquable article sur Saint Coulomb: “En 1500, on voyait dans le même territoire les maisons de Bouais, DU CARTIER, de la Ville-Galbrun, du Vieux-Chatel, de la Fosse-Ingant, etc., etc."

 

Je pourrais affirmer d'un autre côté que la terre de Limoilou resta en la possession des descendants de Jacques Cartier. Car je vois que, pendant la Ligue, un sieur de Limoilou nommé Pierre Jolly, prit part à l'insurrection du château de Saint-Malo. Ce qu'il y a de certain, c'est que, si les descendants de Jacques Cartier se défirent de la terre partrimoniale de leur ancêtres, ils n'en habitèrent pas moins la commune de Saint-Coulomb, comme je l'ai démontré dans la généalogie de Jacques Cartier (recours à la généalogie).s'est empressé de se rendre à mes désirs, et m'a communiqué un ancien manuscrit en parchemin, fort difficile à lire, contenant une liste des plus bizarres et des plus incomplètes des deux mille premiers décès de la paroisse, depuis sa fondation. Je n'ai encore rien découvert dans ce registre relativement à Jacques Cartier, mais j'ai l'espoir d'y trouver l'acte de son décès, jusqu'à ce jour complètement inconnu, et, si mes recherches et mes travaux sont couronnés de succès, d'en faire part immédiatement à la Société Historique et Littéraire du Canada, avant de les envoyer à d'autres revues.

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