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Histoire abrégée de l`Église Paroissiale de Québec et des difficultés qu'il a eues depuis 1644 jusqu'en 1771

 

[Publié par la Literary and Historical Society of Quebec dans Transactions, New Series, No. 19 (1889)]

 

 

Quelques personnes reprochent aux marguilliers d'être les auteurs des difficultés qui régnent au sujet de l'Eglise Paroissiale ; pour parvenir à justifier leur conduite il faut les représenter tels qu'ils sont, c'est-à-dire les administrateurs des revenus de la dite Eglise et Fabrique, qui sont confiés à leurs soins ; mais pour éclaircir cette matière dans tout son jour, il est nécessaire d'avoir recours à la source et au principe de cette Eglise, en commençant par son premier établissement :—

 

En 1644, M. Guillaume Couillard et Guillemette Hébert, son épouse, donnèrent 80 perches de terrain en superficie, pour bâtir l'Eglise Paroissiale, à la charge par la Fabrique, qu'elle leur fournirait un banc, à perpétuité, dans la dite Eglise, pour eux et leurs successeurs, moyennant une somme de trente livres, tournois, qu'ils payeraient à la dite Fabrique par chaque mutation. Le titre est dans les coffres de la dite Fabrique.

 

Cette même année 1644 et 1645, cette Eglise fut édifiée par nos pères sur le dit terrain donné pour cet effet, par des questes faites dans la ville les années 1643 et 1644, et en outre par 1270 peaux de castor qui furent aussi données par les marchands, ce qui pouvait valoir alors environ 8000 livres. Mrs. de la compagnie des Indes donnèrent aussi une cloche. Depuis ce temps cette Eglise fut entretenue par les paroissiens, soit de réparations, vases sacrés, linges, ornements, etc. Voila donc une Eglise édifiée et dont le droit civil en assurait la propriété à nos Pères et leurs successeurs. La question est de savoir si qui que ce soit a pu en disposer sans leur consentement.

 

En 1659, Monseigneur de Laval, Evêque de Pétrée, vint en Canada, il repassa en France peu de temps après, et enfin de retour, en 1663, il érigea le Séminaire de Québec. Les marguilliers cédèrent alors, sans le consentement des paroissiens, à cette maison naissante, une partie du terrein de l'Eglise. On verra, en 1703, ce qui se passa à ce sujet.

 

En 1664, Monseigneur de Laval érigea la Paroisse de Québec, en titre de cure, qui jusqu'alors n'avait point de paroisse érigée canoniquement, ou pour mieux dire, la Paroisse existoit dans l'ordre légal et civil et non canonique. En faisant cette érection il nomma Mr Henry de Bernière, curé de Québec, par acte du 15.7bre 1664, et qui en a été curé jusqu'en 1687.

 

Cette érection a-t-elle pu apporter quelque changement préjudiciable aux droits des Paroissiens ? La propriété n'est-elle pas toujours la même à leur égard ? quelqu'un pouvait-il s'en emparer avec justice sans leur consentement ? cependant c'est ce qu'on entreprend de faire.

 

En 1674, le Pape, par une bulle, fait l'érection de l'Evêché et du chapitre. Par cette Bulle il est dit qu'il érige Québec en cité ; que la cure de Québec est dite supprimée et éteinte ; qu'il érige l'Eglise paroissiale en Cathédrale, le soin des âmes donné au chapitre ; qu'il donne en outre au dit Chapitre l'Eglise, les ornemens, linge, vases sacrés et les revenus de la Fabrique pour servir de manse Capitulaire au chapitre futur.

 

Mais si le Pape ne commet aucun Juge, s'il unit par lui-même par sa Bulle, il n'est pas possible de rectifier ce deffaut essentiel, n'ayant personne inpartibus à qui l'on puisse présenter requête pour faire les procédures nécessaires (Recueuil de la Jurisprudence Canonique, page 288, colonne seconde, au sujet des unions).

 

Ce deffaut seul qui est le principe de toutes les formalités nécessaires, en pareilles occasions, rend la Bulle nulle et de nul effet ; formalité si essentielle qu'on ne peut jamais rectifier, comme il est expliqué dans le droit canonique, à moins qu'on n'en vienne à une nouvelle bulle et ne pas omettre les formalités ordinaires.

 

Cette Bulle est nulle et abusive. Pourquoi ? par ce quelle donne le bien des sujets étrangers sans le consentement et l'aveu du souverain et que cette donation est contraire au droit naturel, à celui de la couronne, aux libertés et franchises de l'Eglise Gallicanne.

 

Elle est nulle, par ce qu'elle n'est pas accompagnée de lettres patentes confirmatives et enregistrée au Parlement ; formalités si essentielles selon notre droit et nos loix que tout acte fait par un Evêque ou commissaire du Pape sans cette précaution devient nul et de nul effet, et qu'on peut même le poursuivre extraordinairement.

 

Il faut remarquer qu'une bulle peut être reçue approuvée et exécutée en tout ou en partie, ce sont les lettres patentes qui déterminent l'étendue de son exécution ; de sorte que si ces lettres ne parlent que de quelques articles de la Bulle, tous les autres omis sont par là même rejettés.

 

Elle est nulle, Pourquoi ? par ce qu'il fallait un procès verbal de commodast incommodo ; il fallait aussi au moins 2 commissaires, un du Pape et l'autre du Roi, on devoit faire assigner les Paroissiens, rendre un jugement contradictoire sur ce sujet et obtenir ensuite des lettres confirmatives de toute cette opération, or rien n'a été fait, aucune règle n'a été observée, donc ce qui auroit été fait auroit été nul quand même le chapitre eut alors existé. Elle étoit donc vaine et ridicule puisque le chapitre n'existoit pas.

 

Or si quelqu'un pretend que toutes les formalités n'étoient pas nécessaires, qu'on en donne des preuves certaines, si au contraire on prétend qu'elles ayent été observées, qu'attend-on pour le faire voir ?

 

On prétend qu'en 1681, le Roi donna ses lettres patentes confirmatives de cette Bulle, on se trompe ; ces lettres patentes ne concernent que la Bulle de translation faite en faveur de Monseigneur de Laval de l'Evêché de Pétrée à celui de Québec, et il n'est pas besoin d'autre preuve que celle de la lecture de ces Lettres où il est dit qu'après avoir examiné par notre conseil les Bulles Provisoires apostoliques octroyées par notre St Père le Pape au sieur de Laval sur notre nomination, et ne s'y étant rien trouvé de contraire aux libertés de l'Eglise Gallicanne, etc., là nous l'avons reçu à nous faire le serment de fidélité. Or qu'y a-t-il dans ces lettres en faveur du chapitre ? Le Pape n'a aucun pouvoir sur le temporel et quoique ce soit une Eglise dans laquelle les peuples s'assemblent pour chanter les louanges du Seigneur, Elle n'en est pas moins un fond réel qui appartient aux Paroissiens et dont aucun n'a le droit de les déposséder, sans leur consentement.

 

On est surpris pourquoi Monseigneur de Laval n'installa pas ce Chapitre aussitôt après son érection et qu'il différa jusqu'en 1681. On a demandé quelle avoit été la raison de ce retardement ; on répond simplement à cette question qu'on ne connoit pas la cause ; réponse politique : pourquoi ne pas dire la vérité en disant que Monseigneur de Laval savait très bien que cette Erection étoit nulle et que toutes les formalités nécessaires et indispensables manquaient.

 

Cependant, en 1684, 10 ans après la Bulle le chapitre fut bien ou mal installé, et on soutient que toutes les formalités furent alors observées, et on cite pour titre qu'en ce grand jour il y eut un grand concours de monde tous états et qu'il prit alors possession de son Eglise. Voila les titres qu'on cite à cette prise de possession. Quoi ! sont-ce là des formalités qu'on doit citer comme un titre incontestable ? un grand concours de monde assemblé qui pousse des cris de joie et d'allégresse marquant par là le contentement qu'il avoit de cette installation ; y a-t-il quelqu'un qui ignore combien le peuple est avide de nouveautés et curieux d'une cérémonie nouvelle, en Canada? Mais la prise de possession de cette Eglise par le chapitre est quelque chose encore de plus fort, oui cela est vrai, mais de quelle espèce est celle-ci ? a-t-on fait signer aux Paroissiens qu'ils abandonnaient le droit de propriété qu'ils avaient sur leur Eglise pour la donner à ce chapitre ? quand cela seroit ces formalités seraient inutiles, il y avait des abus qui ne pouvaient être rectifiés. Mais cela s'est fait dans l'Eglise ; oui on ne le révoque pas en doute, mais quel rapport cela a-t-il avec le fond ? il est nécessaire de savoir que pareilles cérémonies ne se font jamais que dans une Eglise, par ce qu'il faut un autel, une chaire, une cloche avec la corde et peut être autre chose qui n'est pas de mon état de connaître, ainsi qu'on ne soit donc point surpris ce n'est pas dans les places publiques qu'on peut trouver ces monumens respectables, qui ne peuvent être déposés autre part que dans les Eglises ; ainsi on n'a suivi dans cette cérémonie que l'ordre naturel et divin.

 

A la réception d'un curé toutes ces cérémonies se font également dans l'Eglise, où il prend possession de la cure, en résulte-t-il delà que cette Eglise lui appartient en propre ? il a un droit canonique sur cette Eglise qui ne préjudicie en rien au droit civil qui en assure la propriété aux paroissiens, mais le curé n'a et ne peut avoir aucune propriété sur le fond.

 

En suivant les principes de cette même Bulle, on sera surpris qu'en 1674, même année de la dite Bulle, qui donne tout au chapitre sans exception, la compagnie des Indes à Paris donna par brevet à la Fabrique de Québec, 6 arpens de terre, en fief pour en jouir en toute propriété comme seigneur. Pourquoi cette compagnie donne-t-elle à la Fabrique, puisque suivant la Bulle elle n'a plus rien, et qu'au contraire le chapitre est en possession de tout ? (on verra par la suite que le Roi même a fait d'aussi grande faute que cette compagnie). On peut donc répondre à coup sûr que le Roi n'a jamais approuvé cette Bulle, quant au point, et que la compagnie ne l'ignoroit pas.

 

En 1687.—Les Marguilliers et autres Paroissiens voyant que l'Eglise était trop petite pour contenir les Paroissiens qui avaient augmenté de beaucoup alors se déterminèrent à la faire alonger de 50 pieds, et à faire 2 tours quarrées aux deux cotés du portail, l'une desquelles fut poussée à sa perfection par des ouvriers que la Fabrique fit engager à Paris, et l'autre fut arrêtée à la hauteur des Bas cotés actuels ; on n'a pas de preuves certaines pourquoi elle ne fut pas mise également à sa perfection (mais on s'en doute). Il est surprenant que les paroissiens prissent sur eux de faire ces augmentations et que le chapitre laissât les Marguilliers et Paroissiens disposer librement et sans leur consentement d'une Eglise qui, aux termes de la Bulle, leur appartenait en propre, cependant ce chapitre ne dit rien, il pacifie tout, rendons-lui donc justice et disons certainement, quoi qu'on en dise, que ce chapitre était convaincu que cette Eglise ne lui appartenait pas et qu'il lui serait peu convenu de s'en meller.

 

En 1703.—La cession que les Marguilliers avait faite à Mrs du Séminaire en 1663, sans le consentement des Paroissiens, cette affaire assoupie depuis 40 ans se réveilla, et les parties furent prêtes d'en venir à procès, les Paroissiens réclamèrent un terrein dont les Marguilliers avoient disposé sans leur consentement, de sorte que Mrs du Séminaire, connaissant l'invalidité de l'acte, remirent à la Fabrique, dans Une assemblée générale où assistèrent toutes les puissances ecclésiastiques et séculières, par une transaction en forme, le terrein qui leur aurait été cédé, ce qu'acceptèrent les Marguilliers au dit nom, (l'acte est dans les coffres.) Qui reclame alors ? ce sont les paroissiens ; à qui rend-on ? aux Paroissiens ou à leur Fabrique. Que fesoit donc alors ce chapitre à qui tout appartient suivant la Bulle ? il n'a aucune surveillance sur ses droits, c'est lui qui devait réclamer, c'est lui qui devait accepter, il est donc aveugle sur ses propres intérêts, ou il est convaincu qu'il n'en a aucun sur l'Eglise ni sur les revenus de la Fabrique, etc. On répond actuellement pour soutenir les droits de ce corps qu'ils ne connaissaient pas leurs titres, qu'ils étaient dans les voutes du séminaire et on suppose qu'ils n'avoient pas les clefs des coffres qui les renfermoient. Est-il bien possible que depuis 19 ans, époque de son installation, que ce corps ait oublié ses droits ou qu'il ait même oublié qu'il n'existait plus ? qu'il est surprenant qu'un corps aussi éclairé que l'est pour l'ordinaire un chapitre, qui bien loin d'oublier ses propres droits cherche assez souvent à s'en arroger de nouveau et qui ne connait d'autres bornes que celle de l'impossibilité, je veux dire, en matière de religion. Mais si enfin pour justifier les droits de ce chapitre qui ne dit rien on répond qu'il vivoit sans les connaître et que c'est par cette raison qu'il ne s'opposoit pas aux démarches des Marguilliers et Paroissiens touchant cette Eglise et ses revenus, en admettant cette réponse il faut donc convenir également que ce même chapitre qu'on suppose alors ignorer ses droits, qu'il lui convenoit donc bien peu de faire le maître dans une Eglise qu'il ne connaissoit pas pour lui appartenir, ainsi que de chercher des difficultés aux Paroissiens dans la personne de leur curé, difficultés réitérées très souvent et dont les plaintes se sont foit entendre jusqu'au pied du throne, il faut donc, dis-je, convenir qu'un chapitre est un corps remuant qui ne peut rester tranquille et dont les difficultés lui servent comme d'aliment pour sa propre existence.

 

Mais ce chapitre est si convaincu de son inexistence primitive, c'est qu'en 1712 étant en procès avec Monseigneur de St-Valier, Evêque de Québec, les pièces ayant été remises à des commissaires nommés par le Roi, pour l'examen du Procès, les dits commissaires furent forcés de renvoyer le chapitre à obtenir des lettres patentes du Roi pour leur Erection, afin que les dits commissaires pussent statuer juridiquement entre deux corps réels et existans. Ils obtinrent en effet des lettres patentes qui sont favorables à ce corps, quant à son érection seulement, mais quant à l'égard de l'Eglise et des revenus de la Fabrique il n'en a pas dit un mot, donc le Roi n'a jamais approuvé la Bulle que pour son érection, et on peut à juste titre appeler ce temps l'époque de l'érection du chapitre, car auparavant il n'existoit pas.

 

En 1713.—Le Roi ayant été informé des tracasseries que le chapitre exerçait toujours contre les Paroissiens, fit qu'en 1714 il ordonna à son Intendant (Mr Begon,) de faire constater par inventaire tout ce qui appartenoit à la Fabrique de la dite Eglise et d'être présent au dit Inventaire, ce que le dit Intendant exécuta ponctuellement (l'Inventaire est aux coffres). Qu'on dise donc encore, s'il est possible et comme on veut le persuader que c'est dans ce temps ou l'année d'auparavant que Louis XIV, voulant mettre la dernière main à ce grand ouvrage, approuva la Bulle suivant sa forme et teneur, ainsi que c'était une affaire consommée où il n'y avoit plus à toucher ; quelle absurdité. Quoi ? un an après l'approbation de cette Bulle par le Roi, le Souverain ordonne qu'il soit constaté par Inventaire ce qui appartient à la Fabrique. C'est donc une preuve incontestable que le Roi ne l'a jamais approuvée excepté quant à l'érection seulement, puisque par la Bulle tout appartient au chapitre ; peut-on dire sans en imposer que le Roi ignoroit ce qu'il avoit approuvé un an auparavant,

 

En 1727.—Monseigneur de St-Yalier mourut à la fin de l'année à l'Hôpital Général. Quoique la Fabrique fut intéressée à l'existence de ce Prélat, elle ne rapporte dans ses écrits aucuns traits particuliers de la vie de ce grand homme, qui mourut en odeur de sainteté ; elle a laissé ce soin à d'autres et surtout aux communautés qui tiennent des journaux en règle, et qui par conséquent sont plus en état que personne de rendre compte de ce qui se passa pendant sa vie, à sa mort, et de ce qui s'en suivit après. On dit seulement dans le monde qu'il s'était retiré à l'Hôpital-Général, qu'il protégeait beaucoup, et qu'il y vécut un grand nombre d'années.

 

En 1732.—Monseigneur Dosquet, Evêque de Samos, Coadjuteur de Québec, était ici, le chapitre mécontent des curé et Marguilliers qui ne vouloient pas donner plus de 500 livres par an au chapitre pour le soin de la sacristie, pendant qu'il demandoit 1000 livres d'augmentation par an. Ce chapitre fit donc une requête à mon dit seigneur Dosquet qu'attendu le refus formel des curé et Marguilliers qui ne vouloient pas donner les 1000 livres d'augmentation, qu'il demandoit à se séparer d'avec l'Eglise paroissiale et de se faire bâtir une cathédrale. Il demandoit encore qu'il lui fut permis d'emporter quelques vases et ornements à titre de prêt, jusqu'à ce qu'il en fit venir de France. Monseigneur Coadjuteur répondit la dite requête, par laquelle réponse il dit que sachant que cette séparation avoit déjà été méditée par Monseigneur de Laval, d'heureuse mémoire, premier Evêque de Québec, et que d'ailleurs sachant qu'il y avoit eu des difficultés, et que pour éviter qu'il y en eut par la suite, qu'il consentoit à cette séparation, et qu'il l'autorisoit de sa pleine autorité.

 

Voila donc encore un chapitre égaré. Que dira-t-on pour le justifier ? Les titres sont ils toujours dans les voutes du séminaire ? (oui, sans doute) Il demande à se séparer de l'Eglise Paroissiale et se faire bâtir une cathédrale ; est-ce par ignorance où par bonté d'âme qu'il demande à se séparer d'une Eglise qui lui appartient par la Bulle ? non ce ne peut être par bonté d'âme, par ce qu'il cesseroit ses tracasseries ; ce n'est pas non plus par ignorance, par ce qu'il ne dirait rien ; mais c'est par ce qu'il est convaincu qu'il n'a aucun droit sur l'Eglise ni sur les revenus de la Fabrique qu'il tracasse toujours, afin de parvenir à faire quelque arrangement avec la Fabrique qui pût lui donner au moins quelque droit coloré.

 

Pendant ses contretemps la Fabrique ne s'en rapportait pas au chapitre pour l'entretien de son Eglise. Elle aurait été très mal entretenue, elle s'en occupait elle-même par le ministère des Marguilliers, soit pour réparations, entretien et embellissement, et quand elle ne pouvoit subvenir aux dépenses nécessaires, les Paroissiens suppléoient par leurs pieuses libéralités, mais malgré ses soins assidus la charpente âgée de plus de 100 ans était pourie et menaçait ruine.

 

En 1744.—Monseigneur de Pont Briand, Evêque de Québec, étant ici, Mrs Les curés et Marguilliers, firent visiter la charpente de la dite Eglise. Par le Procès verbal qu'en dressèrent les Experts, ils déclarèrent qu'elle étoit pourie ; en conséquence les Marguilliers de l'avis du Prélat et par la permission de nos seigneurs les Gouverneurs et Intendant, indiquèrent une assemblée générale pour délibérer en présence de ses seigneurs.

 

L'assemblée de Mrs le curé et des Marguilliers et des principaux Paroissiens fut tenue le 23 Décembre 1744 dans le Presbytère, ou l'assemblée, ayant apprit que ses seigneurs étoient au Palais Episcopal, s'y transporta et délibéra en leur présence, qu'on bâtiroit une nouvelle Paroisse sur le même emplacement où étoit l'ancienne, suivant les plans, devis et profils qu'en donneroit Mr Chaussegros DeLéry, Ingénieur-en-chef de toutes les places de la Nouvelle France. En conséquence de cette délibération les marchés furent faits pour la maçonne et la charpente avec les divers Entrepreneurs en présence de Mr Daine, Lieutenant Grénéral civil et criminel, et de Mr Hyché, procureur du Roi, pour la construction d'une nouvelle Eglise Paroissiale, l'un des dits marchés fait en l'hôtel du dit Lieutenant Grénéral et l'autre au palais episcopal, en présence de Monseigneur de Pont Briand, qui a approuvé l'un et l'autre des dit marchés. On trouve très surprenant, que des marchés faits en présence de ce prélat, dont l'un dans son propre palais, il ait souffert que cette Eglise fut bâtie sous le titre d'Eglise paroissiale, plus même qu'il les ait autorisés et approuvés comme il est facile de le prouver aux incrédules. Mais pour quoi cette surprise ? pouvait-il au contraire l'empêcher ? par ce que cette Eglise est rebâtie à neuf pouvait-il lui donner un autre titre ? n'est-ce pas toujours l'Eglise des Paroissiens ? Le droit civil ne leur en assure-t-il pas la propriété comme autrefois ? et quelqu'un a-t-il pu sans leur consentement transporter leur droit à d'autres ? S'il en est ainsi, qu'on en donne des preuves incontestables. S'il en est autrement, peut-on supposer qu'un Prélat éclairé tel que l'étoit Monseigneur de Pont Briand, qui connaissoit les droits réciproques d'un chacun, eut souffert que le titre de cathédrale fut anéanti et qu'au contraire elle fut bâtie sous celui de Paroisse ? quelle raison de déférence avoit donc ce seigneur pour le souffrir ? Peut-on supposer qu'il agissait sans connaissance de cause ? Non, il était trop éclairé. Dira-t¬on qu'il étoit en démence ? non, la sublimité de son esprit, qu'il a conservée jusqu'à sa mort, prouve le contraire. Dira-t-on enfin qu'il en vouloit à son chapitre ? non, il aimoit tout le monde sans distinction, la charité pour le prochain a toujours paru en lui une vertu éminente, et s'il s'est trouvé quelque fois forcé de faire sentir à quelqu'un le poids de son autorité c'est qu'il voulait se soustraire à ses ordres, et cesser d'être utile au public même par obligation, mais il a toujours moins agit en maître qu'en véritable père qui corrige ses enfants rebelles.

 

Quelqu'un a pourtant dit que Monseigneur de Pont Briand étoit un grand politique, qu'en bâtissant cette Eglise comme cathédrale que c'était à lui et à son chapitre a en faire les frais, d'autant qu'il ne pouvait obliger la Fabrique ni les Paroissiens à les supporter, mais que lui ni son chapitre n'était pas en état de supporter cette dépense, et que par cette raison il avoit toléré le titre d'Eglise paroissiale afin d'y obliger par là les paroissiens et la Fabrique.

 

Cette réponse est moins un trait de satire que de calomnie la plus atroce à l'égard de ce Frélat. Peut-on le représenter comme un homme, qui cherchoit à tromper les Paroissiens à voler au moins 100,000 livres à la Fabrique que cette Eglise lui a coûté ? il auroit encore poussé sa mauvaise foi jusqu'à faire emprunter plus de 30,000 livres aux Marguilliers et leur faire passer des obligations au nom de la Fabrique, pour une Eglise qui n'appartenoit pas aux paroissiens ; plus encore, au moins 280 Messes de fondation, dont les fonds ont entré dans cette bâtisse ; fondation dont la Fabrique est chargée d'acquitter tous les ans. Voila enfin le portrait qu'on fait de ce digne Prélat. L'auteur de ces fourberies n'est pas nommé ; on a trop de ménagement pour les personnes revêtues d'un caractère respectable pour le citer.

 

Monseigneur de Pont Briand a toujours suivi l'exemple de ses prédécesseurs, c'est à dire qu'il a toujours été dans cette Eglise, et il n'a jamais exigé aucune formalité des Paroissiens. Il a sans doute regardé cette Eglise comme ayant son titre ; mais quoique ce titre, suivant le droit canonique, lui donne le droit d'y présider en maître, comme avoient fait ses Prédécesseurs, il n'a jamais prétendu que le fond lui appartient non plus qu'a son chapitre, il étoit trop éclairé pour ne pas savoir que cela ne pouvoit porter aucun préjudice aux droits des Paroissiens, à qui en est la propriété suivant le droit civil. Convaincu de cette vérité, il n'a jamais cherché à lui donner d'autre nom que celui d'Eglise Paroissiale, tous les actes de la Fabrique le prouvent. Cette Eglise fut donc dans cette bâtisse allongée de 40 pieds et élargie par deux bas-côtés de 28 pieds chacun, les murs compris, c'est à dire telle qu'elle se voit aujourd'hui, et on commença pour la première fois à y dire Messe depuis son rétablissement le jour de l'Immaculé Conception, le 8 décembre 1748, fête Patronale de cette Eglise.

 

Le chapitre, toujours remuant à son ordinaire, ne resta pas toujours tranquille, et Mrs Jacquereau et Rescher, curés l'un après l'autre, eurent beaucoup à souffrir de leur mauvaise humeur, ils en vinrent même au point qu'ils poussèrent l'insolence jusqu'à refuser au premier des ornemens pour faire un mariage, ce qui l'obligea d'enfoncer une armoire dans la sacristie. Quelques années après, Mr Reseller, alors curé, allant pour faire un salut, un chanoine que je ne citerai pas, lui ôta la chape de dessus le dos, en entrant dans l'Eglise, en lui disant qu'il n'avoit pas ce droit. Le curé appela des personnes pour être témoins de ce qu'on lui faisait, (plusieurs existent encore) ensuite de quoi il en porta ses plaintes au conseil supérieur, qui en punit très sévèrement le chapitre, en le condamnant en 50 livres d'amende pour avoir troublé le curé dans ses fonctions, avec défense expresse de recédiver. [1] Si quelqu'un m'accuse d'en imposer, j'appelerai à mon secours les Paroissiens et spécialement ceux qui ont été les témoins des faits que j'avance.

 

Le chapitre n'en resta pas là, il continua toujours ses tracasseries envers le dit curé, qui était aussi Directeur du séminaire. Il attaqua ouvertement le dit séminaire pour la cure dont il avoit perçu les fruits, ainsi que pour bien d'autres chefs qu'il lui imputait ; enfin, pour résultat de toutes ces difficultées, il présente un mémoire de conclusion au Roi, par lequel il demande : Que l'Eglise Cathédrale lui soit rendue ainsi que les chapelles et chapellenies, ainsi que tous les revenus de la Fabrique, et en outre il demande au séminaire en dédommagement de ce qu'il lui devoit une somme de 497,000 livres, en outre 30 ou 35 pieds sur le terrein du dit séminaire ; aussi que la petite terre de la Canardière lui seroit laissé, qu'il prendrait également le terrein, auprès de l'Eglise, appartenant à la Fabrique, pour bâtir des maisons canoniales. Voila les prétentions chimériques dont ce chapitre se repaissoit. Ainsi quand on avance aujourd'hui que ce chapitre n'a jamais eu dessein de s'emparer des revenus de la Fabrique, on est en état d'en donner des preuves certaines par leurs propres écrits.

 

Le Prélat, plus éclairé que son chapitre sur cette matière, voulut, en homme prudent, empêcher cette contagion qui commençoit à se communiquer dans tous les membres de ce corps. Il en parla à un des chanoines qui résidait dans son palais et qui était le plus entêté de ces droits chimériques. Ce chanoine bien loin d'écouter des avis aussi salutaires, et surtout de la part de son Evêque, n'en devint que plus altier, de sorte que ce Prélat ne pouvant lui faire entendre raison, le chassa de son palais en lui disant : Qu'il ne voulait point avoir chez lui aucunes personnes qui tentassent des Procès injustes ; ce chanoine se retira aux Jésuites, où il est mort aussi peu éclairé sur cette matière qu'il avoit vécu. Je ne pretends pas, par ce rapport, attaquer sa réputation, et je lui rends la justice qui lui est due en disant qu'il étoit un digne homme.

 

Le Procès continua toujours entre le chapitre et Mrs du séminaire, et quoique ce procès ruineux ait duré plus de 30 ans, la Fabrique n'a jamais été attaquée.

 

Enfin en 1759. La guerre ayant été déclarée quelques années auparavant, Québec fut assiégé par les troupes de la Grande Bretagne. Je ne rapporterai point ce qui se passa dans ce siège, il y en a bien peu dans Québec qui n'en ayent été les témoins. L'Eglise Paroissiale fut incendiée en son entier, ainsi que les retables, tabernacles et bien d'autres ornemens qui avoient coûtés soit aux Paroissiens ou à la Fabrique des sommes immenses. Enfin, à la fin du siège Québec capitula le 18.7bre 1759. Après ce dévastement général de la dite Eglise, ainsi que de la plus grande partie des maisons de la Ville, les Paroissiens qui, pour la plus grande partie, avoient perdu la majeure partie de leurs biens, étoient épars dans les campagnes. Le chapitre également dispersé ça et là ne s'interessoit pas beaucoup à sa prétendue Cathédrale. Plusieurs passèrent en France et peu restèrent en Canada. Le Prélat était sorti de Québec au commencement du siège, et après la prise de Québec il se retira à Montréal accablé de peines du malheur commun de ses ouailles. Il succomba enfin et tomba dans une langueur qui le conduisit au tombeau en l'été de 1760, que ce digne Prélat mourut regretté de tous ses Diocésains.

 

Comme la paroisse de Québec avoit été incendiée les Paroissiens ne savoient où s'assembler. Mrs les curé et Marguilliors, de l'avis de Mr Briand, alors Grand Vicaire, résidant à l'Hôpital Général, s'adressèrent aux Dames Ursulines pour les prier que l'office Paroissial se fit dans leur Eglise. Ces Dames eurent la générosité de l'accorder gratuitement, et la paroisse y a été déservie depuis l'automne 1759 jusqu'à la fin de 1764, sans qu'elles ayent jamais exigé un sol de la Fabrique, non seulement pour leur Eglise mais encore pour le logement de Mr le curé.

 

Pendant ses 4 années le Gouvernement avoit voulu s'emparer de l'Eglise Paroissiale, croyant qu'elle étoit Cathédrale, et sous ce rapport appartenante au Roi, mais les Paroissiens, toujours occupés de leur Eglise, quoique leurs., facultés ne leurs permissent pas de la faire rétablir, expliquèrent au gouvernemeat la matière dont il était question et les Marguilliers firent enregistrer au secrétaire de la Province tous les titres de la Fabrique. Le Gouvernement instruit de la vérité du fait, se déporta de ses poursuites.

 

A la fin de l'année 1764. Mr le curé, disant que l'Eglise des Dames Ursulines étoit trop petite alors pour contenir les paroissiens, qui pour la plus grande partie étoient revenus en ville, la chapelle du séminaire avait été réparée l'été d'auparavant, c'est-à-dire de la même année, Mr Rescher, curé et directeur du dit séminaire, dit au Marguilliers qu'il fallait transférer la Paroisse dans cette chapelle, et que la Fabrique feroit des conditions avec ces Messieurs. Les Marguilliers lui représentèrent que l'Eglise des RR.PP. Récolets étoit plus grande que la chapelle du Séminaire ; Que le Père Emmanuel, commissaire, en faisoit offre gratis pour y faire l'office paroissial. Ces considérations, jointes à l'incertitude des conditions, que feroient Mrs du séminaire, auroient dû faire abandonner le dessein du curé pour cette chapelle, mais non, la Paroisse y fut transférée avant qu'il y eut même aucunes conditions de faites. C'est dans ces conditions que firent Mrs du séminaire avec la Fabrique le 30 décembre 1764, environ un mois après que la Paroisse y avoit été transférée, c'est par ces conditions dis-je, que la postérité apprendra que chacun est maître dans son Eglise et qu'aucun n'a droit de s'en emparer sans le consentement des parties intéressées. Ils la louèrent donc à la Fabrique pour 9 années consécutives pour la somme de 6000 livres, payable savoir 3000 livres la première année et 3000 livres restant les 3 années suivantes par payement de 1000 livres. Ils abandonnèrent comme par grâce la location des bancs, mais avec restriction que passé les 9 années, si l'Eglise Paroissiale n'était pas rétablie, que le dit séminaire rentreroit dans tous ses droits et percevroit la rente des dits bancs. On laisse à penser quelles auroient été leurs conditions alors si l'Eglise n'eut pas été rétablie et si cette conduite de leur part prouve qu'ils s'interressoient beaucoup au rétablissement de l'Eglise Paroissiale, car ils ne la connaissoient point encore sous un autre titre. On laisse donc à penser quelles eussent été les resources de la Fabrique puisque ces Messieurs se réservoient la location des dits bancs.

 

Ces conditions, toutes dures qu'elles étoient, ont été une resource pour le rétablissement de la dite Eglise, je ne prétends pas par là justifier la conduite dure et intéressée de ces Messieurs envers la Fabrique, mais bien par la crainte qu'eurent les Paroissiens d'être encore plus mal traités par la suite, motif qui engagea les Marguilliers à s'occuper sérieusement du rétablissement de la dite Eglise.

 

Au commencement de 1766, Mr le curé se plaignit au Marguillier en charge du peu d'ornemens qu'il avoit pour la solemnité des fêtes, ce qui l'empêchoit de le faire d'une manière décente et convenable. Ce Marguillier lui répondit qu'il ne sa voit pas où ils étoient, et que comme curé il devoit savoir où ils avoient été mis pendant le siège. Il lui répondit qu'ils étoient aux Trois-Rivières entre les mains de Mr St Onge, chanoine, mais qu'il fallait s'adresser à Mr Perrault, alors Grand Vicaire, pour les faire descendre. Effectivement le Marguillier, suivant les instructions du curé, s'adressa à mon dit sieur Perrault pour réclamer au nom de la Fabrique les ornemens qui lui appartenoient et le pria de les faire descendre. Mr le Grand Vicaire fit comme s'il eut été surpris de cette demande, il lui répondit qu'effectivement les ornemens de cette Eglise avoient été envoyés aux Trois-Rivières par le Préfet de la sacristie, mais qu'au reste Mr le curé et lui se trompoient fort de réclamer des ornemens qui tous appartenoient au chapitre et que la Fabrique n'en avoit point. Cette réponse, toute courte qu'elle étoit, n'étoit pas satisfaisante pour ce Marguillier, Elle découvroit d'une manière trop claire les sentimens du chapitre. Si les Paroissiens en eussent été informés n'auroient ils pas eu raison de dire : depuis quand la Fabrique est elle en Tutelle et que le chapitre en est tuteur, c'est-à-dire tuteur sans rendre compte ? n'avons nous pas des Marguilliers qui sont obligés en conscience de prendre autant de soin de nos ornemens, etc., comme des revenus de l'Eglise et de la Fabrique, dont ils sont les administrateurs de la Gestion desquels ils sont obligés de rendre compte ? un Préfet de la sacristie, un chanoine et même tout le chapitre veut s'en emparer injustement. Voila à peu près les discours qu'auroient pu tenir les Paroissiens alors. Mais le malheur des temps, le triste règne ou nous étions et d'autres circonstances déterminèrent la Fabrique à pacifier jusqu'à l'arrivée de Mr Briand, qui étoit en Europe pour être Evêque, pour le recouvrement des dits ornements.

 

Enfin au mois de Juin, jour de la St Pierre 1766, Monseigneur Briand, Evêque de Québec, arriva. Il fut reçu de tous les peuples, sans distinction, avec des acclamations de joie et d'allégresse, de sorte que peu après son arrivée la Fabrique lui ayant fait des représentations au sujet de ses ornemens, il donna ses ordres aussitôt pour les faire descendre tous ou telle partie qu'avoit été sauvée des Flammes. Le désir des Paroissiens et Marguilliers pour le rétablissement de cette Eglise ce réveilla fortement. Les dits Marguilliers firent une assemblée à se sujet, où il fut délibéré qu'on entreprendrait rien touchant ce rétablissement qu'au préalable on eut pris les avis de Sa Grandeur, ce qui s'exécuta de la façon ci-après. La dite assemblée députa cinq Marguilliers, qui furent chargés de supplier Sa Grandeur d'autoriser les emprunts que la Fabrique seroit obligé de faire pour parvenir au dit rétablissement et d'approuver elle-même le dit rétablissement. Sa Grandeur répondit aux cinq députés qu'elle ne s'opposoit point à ce rétablissement, qu'au contraire Elle l'approuvoit fort, mais que quant aux emprunts qu'elle ne vouloit point les autoriser ni les approuver, ni même qu'elle ne contribueroit en rien à sa réadincation par ce que nous ne voulions pas qu'elle fut rétablie sous le titre de Cathédrale. Entendant par une Eglise Cathédrale une Eglise qui lui appartiendroit en propre et à son chapitre. Sa Grandeur dit en outre à ces mêmes députes qu'elle entendoit que les pierres, les murs et le terrein sur lequel étoit bâtie cette Eglise lui appartiendroit en propre et à son chapitre. On demande aux personnes éclairées si le droit canonique peut sans formalités anéantir le droit civil.

 

Les cinq députés firent leur rapport à l'assemblée générale où il fut question de savoir si en qualité d'administrateurs des revenus de l'Eglise et de la Fabrique, pour entrer dans les vues de Sa Grandeur, Nous pouvions ou nous devions rétablir cette Eglise comme Cathédrale, prise en ce sens qu'elle appartiendroit à Monseigneur et à son chapitre, et comme il s'éleva une contestation on recueillit les suffrages en la manière accoutumée, où alors la pluralité de dix contre quatre l'emporta, c'est-à-dire qu'elle seroit rétablie comme Paroisse, servant de Cathédrale et non Cathédrale, dans le sens qu'elle appartiendroit à Monseigneur et à son chapitre.

 

Cette délibération attira une protestation de la part de quatre membres de la Fabrique qui n'étoient pas de cet avis, ce qui réveilla le refus qu'un chanoine avoit fait de rendre les ornemens et par là acheva de dessiler les yeux aux paroissiens sur leurs propres intérêts. Si ces 4 Messieurs eussent été plus prudents qu'ils n'étoient, ils auroient réfléchi qu'ils n'étoint pas en droit de protester contre les intérêts d'une Fabrique et des Paroissiens qu'ils dévoient soutenir. Ils devoient encore envisager que dans le cas de quelque contestation dans une assemblée de la Fabrique, qu'on a pour règle générale de recueillir les suffrages et que la pluralité l'emporte toujours à moins qu'elle ne fut entièrement contre les intérêts de la Fabrique qu'ils doivent soutenir.

 

Enfin les Marguilliers, ne voyant aucune resource du côté de la Fabrique qui put les encourager à entammer ce rétablissement et craignant d'ailleurs de l'engager dans des emprunts considérables comme on avoit fait en 1744, proposèrent une souscription à tous les Paroissiens pour le rétablissement de leur Eglise. Le zèle dont les Paroissiens furent animés pour cette œuvre pieuse flatta beaucoup les dits Marguilliers, de sorte que par leurs pieuses libéralités, le peu de secours de la Fabrique et les resources toujours inépuisables de la Providence, cette Eglise a été rétablie à neuf en deux ans, c'est-à-dire prête à y célébrer les saints mystères sans que l'Evêque ni le chapitre y ayent contribué en rien,—et plusieurs autres dont Mrs du Séminaire font partie.

 

Voila donc cette Eglise rétablie. On toucha au moment d'y célébrer l'office divin, lorsqu'on fait des propositions aux Paroissiens par la voie des Marguilliers ; c'est Mr Boyret, un des Directeurs du séminaire, qui commence en ces termes.

 

" Le 15 Mars 1771. A Monseigneur l'illustrissime et Révérendissime Jean Olivier Briand, Evêque de Québec. Supplique :—

 

" Les Citoyens de Québec, sensiblement affligés de la résolution qu'a prise votre Grandeur de choisir une autre Eglise que celle de son titre pour lui tenir lieu de Cathédrale, se sont réunis pour le supplier de prendre possession de son siège dans l'Eglise qu'ils viennent de rétablir avec tant de zèle, que plusieurs ont pris même sur leur nécessaire pour accélérer ce rétablissement de la maison du Seigneur. C'est votre Eglise Cathédrale et Titulaire ainsi qu'elle l'a été de tous vos illustres Prédécesseurs, dans laquelle ils ont exercé leurs fonctions Episcopales. Succédant à leur dignité votre Grandeur succède à tous leurs droits ; que notre digne Pasteur ne nous prive donc pas de la consolation de l'y voir exercer les fonctions de sa dignité à la tête de son clergé tel qu'il jugera à propos de le composer ; Que votre Grandeur use de sa prudence et des lumières de sa sagesse pour chercher les moyens d'étouffer à jamais toutes semences de discorde et de division.

 

Nous la regardons aussi comme une Eglise où se font ou doivent se faire à perpétuité les fonctions curiaies, dans laquelle notre curé doit prendre son titre suivant l'usage, et comme notre Eglise Paroissiale premièrement édifiée par nos pères citoyens de Québec, nouvellement relevée de ses ruines à nos frais et dans laquelle doit se faire la déserte des âmes, où nous sommes obligés de nous assembler pour assister aux divins offices, pour participer aux sacremens, pour y recevoir l'instruction de nos Pasteurs, et enfin où nous avons droit d'être inhumés ou dans les cimetières qui en dépendent. Ce sont ces considérations qui nous engagent à contribuer de nos revenus à son entretien, à sa décoration et à fournir toutes les dépenses nécessaires qui peuvent servir à la sainteté et à la majesté du culte divin, c'est pour cet effet que chacun de nous remet selon l'usage la portion de ses biens, soit offrandes, soit rentes de bancs et autres casuels qu'il doit à titre de justice ou qu'il consacre à titre de piété entre les mains des Marguilliers qui sont élus pour les administrer sous l'autorité de nos seigneurs les Evoques, auxquels ils sont obligés de rendre compte de leur administration ; c'est sous ces différens rapports que nous regardons l'Eglise que nous venons de rétablir et dans laquelle nous supplions votre Grandeur d'entrer avec son clergé. Vous êtes notre digne Pasteur, conduisez vos ouailles dans la maison du Seigneur, dont vous nous tenez la place sur la terre. Vous êtes notre père en Dieu, ne nous laissez pas Orphelins, mais daignez nous regarder comme vos Enfans en Notre-Seigneur, qui se plaisent sous les yeux de leur père, qu'ils respectent, qu'ils aiment et qui prient votre Grandeur de leur accorder sa bénédiction."

 

Comme cet écrit n'est point conforme aux titres de la Fabrique, que le sentiment des Marguilliers et Paroissiens n'a jamais été d'empêcher Monseigneur d'entrer dans cette Eglise ; qu'il n'a de supplique que le nom, qu'au contraire il ressemble à tous égards à un procès verbal d'enquête, c'est pourquoi nous priâmes l'auteur de l'aller faire signer à nos Pères qui peut-être savoient que cette formalité manquoit.

 

Voici d'autres propositions faites par sa Grandeur aux Marguilliers :

 

Demande lère Prosterné en esprit devant la face du Seigneur, à genoux au pieds du crucifix, le cœur pénétré du plus ardent amour pour mes ouailles et du désir de la paix le plus sincère, je suis prêt d'assister aux divins offices dans ma cathédrale pourvu qu'on consente à inscrire sur les registres l'acte suivant, non pas pour donner de la confusion à personne, mais pour fixer une bonne fois les droits réciproques de l'Evêque, de son chapitre et du peuple.

 

Réponse lère Le droit des Paroissiens sur cette Eglise est validement établi suivant le droit civil depuis 1644. Les titres de la Fabrique le prouvent clairement.

 

D. 2. Nous reconnaissons l'Evêque et le chapitre de Notre-Dame de Québec validement établis et subsistans.

 

R. 2. Que le chapitre et l'Evêque soient bien ou mal établis, cela ne nous regarde pas, ce sont leurs affaires particulières ; d'ailleurs il n'y a que le Souverain Pontife et le Roi qui ayent ce pouvoir, c'est pourquoi il est inutile de s'adresser à nous. Nous ne sommes pas dépositaires de leurs titres ni capables de leur en donner.

 

D. 3. L'Eglise est Cathédrale comme le sont les autres Eglises cathédrales de la chrétienté.

 

R. 3. Nous savons par nos titres que cette Eglise est paroissiale appartenant aux Paroissiens ; Que les Eglises cathédrales de la chrétienté soient comme elles voudront, cela ne nous regarde pas. Au reste on verra à la suite de ces propositions que nous n'avons point empêché l'Evêque et son clergé d'y entrer.

 

D. 4. Qu'on ne devoit dans les assemblées et délibérations ne lui donner que le nom de paroisse, ce qui a été la ganse et le motif du trouble.

 

R. 4. Nous n'avons jamais vu d'exemple qu'on ait donné un autre titre à cette Eglise, les registres de la Fabrique en font foi, et nous n'avons jamais été autorisés à lui en donner d'autre.

 

D. 5. Désormais les Marguilliers se qualifieront Marguilliers de l'Eglise Cathédrale et Paroissiale de Québec.

 

R. 5. Nos Pères n'ont jamais été qualifiés de ce titre et nous aurions honte d'être les premiers à porter un titre si vain d'autant que les cathédrales n'en ont jamais eu ; ce n'est pour l'ordinaire que des commis à gages.

 

D. 6. De notre côté nous reconnaissons ce que nous avons toujours confessé, que c'est en même temps l'Eglise du peuple où il a droit d'être déservi ; droit dont il ne peut être privé.

 

R. 6. Monseigneur reconnoit une chose que personne ne peut nier, mais c'est un droit attaché à l'Eglise paroissiale que nous voulons conserver.

 

D. 7. Nous promettons que les Marguilliers ne seront nullement gênés dans leur exercise ; qu'ils recevront dans l'Eglise les honneurs accoutumés, qu'ils continueront d'avoir la gestion du temporel de la Fabrique et d'être les dépositaires de tous les revenus.

 

R.. 7. Monseigneur nous accorde un droit que personne ne peut nous contester, c'est un usage établi dans toutes les Fabriques, même par le droit canonique,

 

D. 8. Nous n'avons jamais eu dessein ni notre chapitre de nous en emparer. Nous nous opposerions de toutes nos forces à quiconque aurait de semblables desseins.

 

R. 8. Il n'y a pas d'exemple qu'aucun de ses Prédécesseurs ayent voulu s'en emparer, mais le chapitre a voulu le taire. Leur mémoire de conclusion présenté au Roi en 1753 le prouve dans toute son évidence.

 

D. 9. Ces revenus sont par tout uniquement destinés pour l'entretien de l'Eglise et du culte divin.

 

R. 9. C'est la vérité toute pure. C'est précisément pourquoi nous ne voulons pas qu'ils passent entre les mains d'un chapitre pour lui servir de manse capitulaire.

 

D. 10. ...et l'usage de la sacristie qui doit être commune, le clergé et le peuple ne formant qu'un seul corps sous son Evêque.

 

R. 10. Quoiqu'on soit réuni en esprit sous son Evêque, il n'est pas dit pour cela que les biens soient communs, chacun est maître de ce qui lui appartient.

 

D. 11. Nous protestons ici devant Dieu que nous agissons sans dol mi fraude, dans une entière sincérité pour la seule gloire de Dieu et le salut de mon peuple.

 

R. 11. Nous n'avons jamais pensé que sa Grandeur eut aucun dessein de nous tromper, mais sans faire aucun titre nouveau que chacun reste sur les siens sans y en ajouter ni diminuer aucun.

 

D. 12. Je déclare en outre que je n'ai jamais regardé les Marguilliers actuels comme les auteurs des difficultés qui m'ont été faites.

 

R. 12. Si d'autres que les Marguilliers actuels ont fait des difficultés à sa Grandeur qu'on s'adresse à eux pour en faire la réparation, ainsi par cette déclaration Monseigneur a la bonté de nous justifier.

 

D. 13. Et qu'en exigeant qu'on porte l'acte ci-dessus mon intention n'est pas d'annuler les actes précédens dans les choses qui ne regardent ni mes droits ni ceux de mon chapitre, que j'ai uniquement en vue d'assurer pour le bien de la paix et qui ne sont en rien opposés au droit du curé ni des Marguilliers ni du peuple. Québec le 9 Mars 1771. Signé à la minute. J. 01., Evêque de Québec.

 

R. 13. Monseigneur n'est pas maître d'annuler les actes portés sur les registres, ils sont conformes aux titres et même à toutes les délibérations portées sur les registres. Si elles lui sont contraires ou à son chapitre, c'est qu'ils en demandent plus qu'ils ne faut. Trop malheureux enfin si nous ne pouvons acquérir cette paix qu'on nous promet qu'en l'achetant de notre propre bien. Voila enfin tous les motifs qui nous empêchèrent d'accepter les propositions susdites. Ne croyant pas que cette formalité fut nécessaire pour la conservation de l'Eglise qui appartient aux Paroissiens, nous nous contentâmes de faire la réponse suivante à Monseigneur l'Evêque, par les Marguilliers en exercice, au nom du corps. La voici :

 

Monseigneur,

 

Nous avons communiqué aux Marguilliers assemblés, suivant les ordres de votre Grandeur, la lettre dont elle nous a honorée ainsi que l'écrit qui y était joint ; ils nous chargent de vous dire, Monseigneur, que non-seulement ils ignorent les matières canoniques, mais encore que leur qualité de Marguilliers ne leur commet pas plus de pouvoir qu'un Tuteur n'en a sur les biens de ses mineurs. Ils espèrent que votre Grandeur voudra bien les dispenser d'entrer dans l'examen de la matière dont il s'agit ; ils la supplient de vouloir bien entrer dans son Eglise avec son clergé comme ont fait ses prédécesseurs, et avancer que les Prédécesseurs de votre Grandeur ont éprouvé des contestations, ce n'a jamais été de la part des Marguilliers ni de celle des Paroissiens. Québec, le 20 Mars 1771.

 

Signé à la minute : Marcoux, Perras et Dufau, Mers en exercise.

 

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[1] Nota (1) Ce n'est point dans cette affaire, il n'y eu point de plaintes portées, c'est pour les poursuites que fit le chapitre pour déposséder le curé de sa cure que le dit chapitre fut condamné à 50 livres d'amende par le conseil, laquelle sentence fut confirmée par la cour.

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